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Cahiers antispécistes n°12 - avril 1995

Éditorial

Depuis quelque temps, on a l'impression que ça bouge dans le paysage antispéciste français ; des groupes se forment, et... durent, et même, font des choses. Des individus aussi, tout seuls, lancent des initiatives, et agissent. En témoignent en particulier le projet de revue lancé par Nicolas Dzaman, dont on trouvera un bilan page 11 ; ainsi que les deux revues récemment parues éditées par des groupes militants, et dont l'une est spécifiquement axée sur la libération animale (voir pages 10 et 33). En témoignent aussi certaines initiatives que nous retraçons dans une revue de presse page 30, laquelle donne par ailleurs le sentiment que les médias grand public commencent eux aussi à prendre en compte l'existence des idées antispécistes.

Les livres aussi ont commencé à sortir sur le sujet. Après celui de Luc Ferry en 1992 (Le Nouvel Ordre écologique), est paru l'année dernière un ouvrage plus académique, mais entièrement axé sur le débat autour de la frontière morale entre humains et non-humains ; on en trouvera une critique en page 5, sous la plume d'Estiva Reus.

Un autre livre ayant un rapport avec le sujet est celui d'Eugen Drewermann, De l'Immortalité des animaux, dont Philippe Moulhérac a fait la critique dans le numéro 9 des Cahiers, ouvrant du coup un débat autour de la question religieuse. La religion est-elle incompatible avec un point de vue antispéciste ? Je pense que non, tout comme Éva Salabert, qui répond à Philippe en page 15 ; il s'agit bien évidemment d'une autre religion que celle du pape, par exemple, dont personne ne conteste qu'il représente un des plus influents suppôts du spécisme, et de la réaction en général. D'un autre côté, cette non-incompatibilité, je la vois à un niveau purement logique ; car peut-être la religion est-elle intimement liée à un point de vue essentialiste, lui-même impliqué dans le spécisme ; c'est en tout cas le sens de la réponse de Philippe en page 19.

L'essentialisme est aussi un aspect commun des trois formes de domination que sont le spécisme, le racisme et le sexisme, et qu'Yves Bonnardel met en parallèle dans un texte page 36. Ce parallèle n'est pas pour nous en effet qu'un slogan. Nous insistons, bien sûr, sur l'identité formelle entre ces discriminations - le fait de prendre moins, ou pas du tout, en compte les intérêts d'un individu en raison de son appartenance à un certain groupe ; mais nous pensons aussi que l'ajout du point de vue antispéciste permet un élargissement et un approfondissement notables de l'analyse, surtout initiée par les féministes, des représentations identitaires et idéologiques qui se basent sur ces catégorisations, les exploitent, et, malgré les apparences, pour une grande part les fondent.

Le point de vue antispéciste peut aussi renouveler les conditions du débat autour de l'avortement. J'ai déjà dit dans un précédent numéro pourquoi je crois que la logique antispéciste, qui est d'accorder une importance aux êtres qui sont sensibles, est en faveur de la liberté de l'avortement, le fœtus n'étant pas sensible dans les premiers stades de la grossesse. C'est pourquoi les Cahiers antispécistes ont participé à un tract dans ce sens, distribué le 17 janvier dernier au cours d'une manifestation en faveur de la liberté de l'avortement, ainsi que dans des facultés lyonnaises, et que nous avons reproduit page 26.

Enfin, n'oubliez pas, si vous êtes abonné, de vous réabonner le cas échéant (c'est alors indiqué sur l'enveloppe). Ceci, si vous le voulez ; mais bien sûr que vous le voulez !

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