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CA n°41 - [Livre] - Éliminer les animaux pour leur bien: promenade chez les réducteurs de la souffrance dans la nature

Chapitre 3 – Le lourd fardeau de l’être humain

Les RWAS s’appuient sur des faits incontestables : aujourd’hui, l’espèce humaine a un impact considérable sur la planète ; des humains ont développé des savoirs et techniques qu’on ne retrouve pas chez d’autres animaux. Il est raisonnable de s’attendre, comme ils le font, à ce que l’accumulation des connaissances et de leurs applications se poursuive (tant qu’aucun événement catastrophique de grande ampleur n’atteint cette espèce, devrait-on ajouter). Certaines connaissances humaines peuvent bénéficier à d’autres animaux. Dès lors, la vision RWAS consiste à parier sur le progrès moral et scientifique pour parvenir à l’amélioration du sort des animaux sauvages. On peut lire cela « à basse intensité » – comme signifiant que des humains peuvent faire plus pour aider d’autres animaux – auquel cas bien des gens seront prêts à croire cette évolution possible et souhaitable. On se représente alors des gestes de solidarité concrets qui existent déjà, et dont on comprend qu’ils pourraient prendre plus d’ampleur : les personnes qui nourrissent les oiseaux en hiver, les dispensaires qui soignent des animaux sauvages blessés… Mais le projet des RWAS est beaucoup plus ambitieux. Idéalement, il s’agit de parvenir, à terme, à faire disparaître la faim, la prédation, les maladies et autres causes de morts prématurées.

C’est dans les exposés de cette ambition que transparaît le mieux la distinction radicale qui est faite entre, d’un côté, l’humanité et, de l’autre, les animaux. « L’humanité est aux manettes » écrit un auteur cité plus bas. L’humanité a une supériorité écrasante, intellectuelle et technique, que prouve déjà son impact sur le monde. Elle possède aussi la supériorité morale. Elle s’en sert encore mal, mais une fois débarrassée de préjugés divers, elle disposera d’une boussole qui indiquera sans erreur la direction du bien, le bien universel, car elle, et elle seule, est capable d’adopter « le point de vue de l’univers » selon l’expression de Sidgwick – c’est-à-dire de juger et d’agir avec impartialité, ce qui est bien autre chose que l’empathie ou la solidarité « de proximité » dont sont capables tous les animaux sociaux. Il suffit d’imaginer la puissance phénoménale de la technique humaine (qui ne fera que grandir à l’avenir) mise au service de la vraie conception du bien, pour aboutir à une vision radieuse de la régénération du monde opérée par l’humanité.

3.1. L’humanité, société à responsabilité illimitée

La croyance assumée en la supériorité humaine est couplée, chez les éthiciens RWAS, à un sens aigu de la responsabilité : la supériorité écrasante des humains sur le reste des êtres sentients doit être une source, non de privilèges (comme c’est le cas dans l’approche spéciste), mais de devoirs. C’est le sentiment qu’exprime par exemple André Méry (dans un article où il appelle à se préoccuper du problème de la prédation) :

J'entends par domination que l'espèce humaine est celle qui a le plus de pouvoir pour agir sur la planète, ses habitants (humains ou non humains) et leurs conditions de vie. […]

La révolution culturelle qui nous attend immanquablement […] est celle qui consistera à étendre notre responsabilité au-delà du seul humain et à comprendre que nous avons le devoir moral d'utiliser notre capacité à connaître pour améliorer le sort de tout être vivant, qu'il soit humain ou non humain. […] C'est cela qui donnera un sens à notre domination sur le monde : utiliser ce pouvoir d'action pour prendre nos responsabilités face à toute nuisance causée à des êtres sensibles, et donc y remédier. (Méry 2000, p. 39 et p. 42)

Cette même conviction est exprimée par Yves Bonnardel :

Or, les humains constituent la première population au monde susceptible de remettre collectivement en cause sa propre prédation et de pouvoir imaginer systématiser et rationaliser ses élans d’empathie. Si la Terre doit un jour devenir un jardin, ce sera de notre fait. […] L’accroissement présent de notre puissance d’agir, en tant que collectif, en tant que « humanité », montre que notre responsabilité découle du pouvoir que nous acquérons. […] …plus étendu est notre pouvoir d’action, plus large est notre responsabilité. […] C’est en tout cas bel et bien à nous de mettre en place les conditions éthiques, politiques et technologiques qui permettront de changer la vie sur Terre. Jusqu’à plus ample informé, ce ne sont ni les éléphants ni les dauphins qui le feront. […] L’humanité est aux manettes de la planète1. (Bonnardel, 2018, p. 343-344 et p. 345)

L’idée que seuls les humains peuvent être les agents du progrès est commune à toute la littérature RWAS. Cela résulte d’une prospective fondée sur l’extrapolation du présent. Pourtant, plusieurs auteurs tels que David Olivier ou encore Oscar Horta indiquent qu’il s’agit d’une vision portant sur le très long terme. Or, les Homo sapiens existent depuis 200 000 ans et les représentants du genre Homo depuis bien plus longtemps encore. Ce n’est que dans les tout derniers millénaires que des humains se sont distingués par des innovations qui ont permis d’améliorer significativement l’espérance de vie des membres de leur espèce. Je ne sais pas exactement pourquoi les RWAS excluent qu’à très long terme d’autres espèces que les humains connaissent la même évolution, ou qu’apparaissent d’autres espèces capables de concevoir des projets de réforme intentionnelle de la nature2.

3.2. Un air de déjà vu

Il y a plus d’un siècle, s’élevait un vibrant appel, non pas à amender la nature, mais à poursuivre l’entreprise civilisatrice des « peuples sauvages » :

Ô Blanc, reprends ton lourd fardeau
Envoie au loin les meilleurs de ta race
Jette tes fils dans l’exil
Pour servir les besoins de tes captifs,
Pour, lourdement équipés, veiller
Sur les peuples agités et sauvages
Tes peuples récemment conquis
Mi-diables, mi-enfants.

Ô Blanc, reprends ton lourd fardeau
[…] Pour veiller au profit d’un autre
Et pour lui travailler.

Ô Blanc, reprends ton lourd fardeau
Les sauvages guerres de la paix
Nourris la bouche de la famine
Fais la maladie cesser […].

Ô Blanc, reprends ton lourd fardeau
Non pas quelque œuvre royale
Mais un travail de serf, de tâcheron
Un labeur commun et banal
Les ports où nul ne t’invite
Les routes où nul ne t’assiste
Va, construis-les de ta vie
Marque-les de tes morts.

Ô Blanc, reprends ton lourd fardeau
Tes récompenses sont dérisoires
La haine de ceux que tu protèges
Les cris de ceux que tu assistes
Que tu guides (ô doucement) vers la lumière […].

Rudyard Kipling, Le fardeau de l’homme blanc, 1899

Oubliez que vous vivez au XXIe siècle et que le procès de la colonisation a été largement instruit. Regardez ce poème avec les yeux d’un Européen du temps de Kipling. N’est-il pas une exhortation magnifique à la grandeur et au sacrifice pour les humains des autres races ? Il y a maintes similitudes avec l’appel adressé à l’humanité à prendre en charge les animaux, « nos frères inférieurs », comme les nommait Michelet. Comme pour les indigènes des contrées barbares, il faudra des méthodes rudes pour parvenir à faire leur bien. Comme envers les étrangers hostiles, il faudra passer outre leur absence de volonté à coopérer à notre entreprise salvatrice. L’altruisme sera notre seul mobile ( « veiller au profit de l’autre ») et le sentiment du devoir accompli notre seule récompense : des colonisés on ne reçoit que cris et haine, et des animaux on ne doit espérer aucune gratitude, car ils sont inconscients du geste de leur bienfaiteur. Comme pour les peuples sauvages, nous interviendrons pour faire cesser la maladie et la famine. Tout comme Kipling en son temps vantant l’impérialisme (Kipling et bien d’autres, dont nombre de personnalités de gauche), les RWAS s’inscrivent dans une visée progressiste.

De nos jours, avec le recul, on dresse plutôt un bilan négatif, ou pour le moins mitigé, de la colonisation. On n’a pas besoin pour cela de poser que la situation des populations soumises était idyllique avant l’agression extérieure (elles n’étaient pas des havres de justice et de paix, ni des sociétés de prospérité et d’abondance pour tous). On n’a pas besoin non plus de nier qu’elles aient eu, à certains égards, un retard technique par rapport aux conquérants. Mais, au minimum, il apparaît évident que les colonisateurs n’étaient pas que bons et altruistes, qu’ils accédaient mal à la compréhension des populations assujetties parce qu’elles leur étaient étrangères, et parce que le sentiment de leur immense supériorité contribuait à les rendre aveugles aux savoirs et logiques sociales de celles-ci.

Percevoir les peuples dominés comme « mi-diables, mi-enfants » est peut-être bien aussi une des clés du désastre. Or, il y a là encore un voisinage avec la caractérisation des animaux chez les RWAS : les animaux sauvages sont à la fois au cœur du propos en tant qu’objets de sollicitude, et totalement absents comme acteurs de leur devenir. Ce sont des êtres qu’il faut mettre sous tutelle, parce qu’ils sont pour certains d’entre eux dangereux (ces mi-diables de prédateurs), et parce que tous sont incapables de prendre soin d’eux-mêmes (la preuve : leur vie est atroce) comme le sont de petits enfants. C’est précisément sur ce thème de l’incapacité qu’Oscar Horta (2013) axe sa critique de Zoopolis : Donaldson et Kymlicka ont tort de préconiser la souveraineté des animaux sauvages en arguant qu’ils sont compétents pour mener leur propre existence. On devrait plutôt, selon Horta, les considérer comme des États faillis, et souligner le devoir d’ingérence massive qui nous incombe pour les secourir3. Eze Paez, pour sa part, utilise l’analogie avec des humains mentalement déficients : « Imaginons que des millions d’êtres humains à faibles capacités cognitives doivent supporter les conditions de vie qui sont celles des animaux dans la nature. Nous aurions une forte obligation morale de leur venir en aide […] » (Paez, 2017a, p. 104). Il s’en déduit, poursuit Paez, que nous avons de la même façon l’obligation de venir en aide aux animaux sauvages dès à présent, ou de nous donner les moyens de pouvoir le faire à l’avenir.

Parallèlement, les hypothèses de certains auteurs frôlent dangereusement la réduction des animaux à des êtres aux sentiments, besoins et aspirations les plus sommaires. Faut-il que les oiseaux soient pauvres en monde pour en venir à affirmer, comme le font Sagoff et Moen, que les poulets se trouvent mieux en élevage industriel que dans la nature, bien qu’on les ait dotés de corps difformes, et qu’on les ait dépossédés de tout contrôle sur leur existence, de tout exercice de leur volonté, de toute vie sociale conduite à leur manière ! Qui mettrait sa main à couper que des humains incarcérés dans les mêmes conditions seraient mieux lotis que des humains menant la vie risquée des anciens chasseurs-cueilleurs ? De même, le modèle de Ng, dont on a tiré l’affirmation de plus en plus catégorique de la prédominance de la souffrance dans la nature, est fondé sur l’hypothèse qu’un individu qui meurt avant de s’accoupler a un bien-être négatif. Ce qui revient à considérer qu’en dehors du plaisir procuré par la copulation, un animal est au mieux dans un état neutre (de sorte que l’expérience négative d’une mort prématurée rend négatif le solde de son existence en termes de bien-être). C’est comme si on disait de vous que votre existence fut au mieux insipide – de vagues plaisirs alternant avec de légers déplaisirs – avant que vous connaissiez votre premier rapport sexuel.

3.3. Despotisme éclairé

Face à des êtres immensément souffrants, qui sont aussi des déficients, des incompétents, des incapables de remédier à leur propre malheur, les RWAS ne voient pas d’autre issue que d’attribuer à l’humanité la responsabilité de le faire. Ce faisant, ils restaurent la partition classique entre, d’un côté, les humains, êtres perfectibles, qui peuvent, de leur propre mouvement, devenir moralement et techniquement meilleurs, et de l’autre les animaux, incapables d’échapper à leur nature immuable, à moins que les premiers ne viennent les en extraire. Ils poussent même l’exception humaine à son paroxysme puisque, pour venir à bout de la tâche, les humains devront se perfectionner au point d’atteindre une puissance phénoménale en termes de connaissances et de technologie, mais aussi atteindre la perfection morale. Car, même si en exprimant la chose en termes de responsabilité, on ne perçoit que la générosité du geste, « prendre toute la responsabilité », signifie aussi prendre tout le pouvoir. Dire qu’il faut s’orienter vers un avenir où l’humanité régule entièrement la nature, c’est tenir pour évident que tout doit relever de la juridiction humaine, autrement dit, que rien ne relève de celle des animaux. C’est opter pour le despotisme éclairé, donc parier sur l’extrême compétence et l’extrême sagesse du despote (l’humanité).

On trouve sous la plume de plusieurs auteurs RWAS une observation dont on pourrait croire qu’elle tempère l’importance de la mutation envisagée. Les humains, notent-ils, ont déjà un impact gigantesque sur la nature ; la question n’est donc plus de se savoir s’il faut intervenir ou pas, mais d’orienter l’intervention dans la bonne direction. Notons toutefois que l’intervention actuelle et la future intervention souhaitée ne sont pas du tout du même ordre. En effet, l’impact actuel de l’espèce humaine est dû aux effets cumulés d’actions menées séparément par divers groupes et individus pour satisfaire leurs propres objectifs, désirs ou besoins. Les vers de terre et les insectes pollinisateurs ont eux aussi ce type d’impact considérable, à travers les retombées non recherchées de leur activité. Qu’une espèce puisse avoir une forte incidence sur les autres sur ce mode involontaire, et qu’elle puisse fonctionner comme une entité capable de concevoir et de réaliser le bien de toutes les autres sont deux choses bien distinctes. On peut faire une analogie approximative avec la différence qu’il y a, dans les affaires intra-humaines, entre :

  • constater que les gens agissent les uns sur les autres à travers les relations marchandes, certains étant plus influents que d’autres (à cause de la concentration de la fortune, etc.) ;
  • et affirmer qu’il est possible de gérer intentionnellement avec succès l’ensemble des relations économiques à partir d’un centre, en prenant pour guide une idéologie destinée à faire le bien de la société.

Ordinairement, quand on envisage une telle concentration du pouvoir, on se pose la question des dérives qui peuvent en résulter, et des dispositifs qui pourraient limiter ces dérives, ou bien on conclut qu’un tel système est trop dangereux et qu’il faut le combattre. Cela n’a rien à voir avec une négation de l’existence de la bienveillance chez les humains, mais tout à voir avec les leçons de l’expérience. Prenons l’exemple de l’attitude des parents envers leurs enfants. Le fait est que la plupart des parents font preuve de dévouement envers leur progéniture. Néanmoins, même cette forme d’altruisme, dont l’existence est pourtant favorisée par la sélection naturelle, ne se manifeste pas systématiquement. Les cas de négligence et de violence des parents envers les enfants sont suffisamment nombreux pour qu’on ait ressenti le besoin d’élever des digues qui les limitent partiellement. À l’échelle, non plus de la famille, mais de la société, une bonne part de la réflexion sur l’organisation politique consiste à chercher comment les pouvoirs des uns peuvent être limités par les droits des autres, ou par des contre-pouvoirs (par la pluralité des centres de pouvoir), et non pas à tout miser sur la bonne volonté des puissants. On ne trouve pas trace de préoccupations de cet ordre chez les RWAS. Le fait que beaucoup d’entre eux soient utilitaristes n’est en rien une explication de ce fait. Certes, les utilitaristes contemporains ont largement déserté le terrain de la philosophie politique, mais il suffit de se tourner vers les grands anciens pour constater qu’ils ne comptaient pas uniquement sur les progrès de l’altruisme et du sens moral pour aller vers un monde meilleur. Bentham était très préoccupé par le risque de voir les riches et puissants détourner à leur profit une démocratie (qui n’était encore qu’à venir) et tentait d’imaginer les moyens d’éviter qu’ils n’usurpent le pouvoir qui devait revenir au peuple. Mill s’inquiétait de ce que la démocratie puisse conduire à la tyrannie de la majorité et insistait sur les remparts à élever pour protéger les libertés individuelles. Chez les RWAS… rien. On se croirait à l’an zéro de la pensée sur la société, la politique, la nature humaine. Une fois écrit que « "nous" devrions intervenir », ou une fois le pilotage de la nature confié à « l’humanité » (débarrassée du spécisme), le propos prend fin.

3.4. Trouver la sortie de secours

Ces auteurs ne sont pourtant pas des ignorants. En temps ordinaire, ils sont loin d’être des adeptes forcenés de la partition humanité/nature, ou de l’abus des « propres de l’homme ». Ils ne semblent pas non plus atteints de formes sévères d’angélisme. Que se passe-t-il donc ? La seule hypothèse qui me vient à l’esprit est qu’ils se font piéger par l’envie d’apporter une réponse là où ils en sont (nous en sommes) incapables. Rembobinons le film. Le sujet dont ils traitent est d’une étendue démesurée : la condition de tous les êtres sentients sur toutes les générations à venir. Les humains ont beau être intelligents, à cette échelle, cerner en quoi consiste le bien dépasse probablement leurs (nos) compétences. De plus, non contents de constater le fait indéniable des causes multiples de souffrance dans la nature, les RWAS se sont lancés dans une sorte de concours de lugubrité, finissant par brosser un tableau où la quasi-totalité des animaux sont la quasi-totalité du temps dans une situation effroyable. Or, leur mobile au départ est d’inciter les gens à se soucier du malheur des animaux sauvages (mobile qui n’est probablement pas pour rien dans la propension à s’emparer de tout argument pouvant contribuer à faire valoir l’importance de ce malheur). Cependant, pour inciter à l’action, il ne suffit pas de plaider qu’un problème est grave, il faut pouvoir suggérer qu’il existe une issue, donner l’espoir d’un happy end. Le secours d’un dieu omniscient et miséricordieux serait nécessaire pour remédier à une tragédie d’une telle ampleur. Mais peu de RWAS parient sur son existence. Dès lors, pour montrer malgré tout la lumière au bout du tunnel, ils en sont réduits à sortir l’humanité du chapeau en guise de substitut (celle-là même dont ils notent pourtant qu’elle ne constitue qu’une part infime des êtres sentients). Elle sera le Bon Pasteur qui conduit ses brebis vers des temps meilleurs.

Au fond, peu importe que nous ayons foi, ou non, en la capacité des humains à opérer la transformation intégrale de l’enfer terrestre en paradis, puisqu’il est clairement dit que le processus s’inscrit dans la très longue période. À long terme, nous serons tous morts. Les humains, post-humains, descendants des poulpes, machines intelligentes, ou extra-terrestres, qui seront la catégorie la plus puissante dans un futur lointain, n’auront que faire de nos grimoires pour orienter leur action. Ce qui peut nous importer, à nous qui vivons aujourd’hui, c’est de mieux cerner en quoi consiste ce futur lointain vers lequel pointe la logique RWAS, afin que chacun de nous puisse former un jugement, ou au moins un sentiment, sur la désirabilité de ce futur, et donc sur l’opportunité de participer, ou non, aux premiers pas qui peuvent être faits en sa direction. Il importe aussi de comprendre comment s’articule le projet RWAS avec le mouvement des droits des animaux tel qu’il s’est développé jusqu’ici, et comment il peut affecter des revendications mises en avant dès à présent. C’est de ces différents sujets qu’il va être question dans les deux chapitres suivants.

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Notes

  1. L’auteur poursuit en notant qu’elle n’en a pas encore la direction consciente et que c’est cette direction consciente qu’il s’agit de faire émerger.
  2. Ils n’évoquent pas cette éventualité comme résultat possible de la poursuite de l’évolution, en tant que processus non dirigé, issu de mutations aléatoires, dont certaines perdurent parce qu’elles procurent un avantage adaptatif à leurs porteurs. Il est en revanche bien question chez une partie des RWAS de nouvelles espèces créées délibérément par les humains : les post-humains (les humains « augmentés », avec des performances physiques et mentales dépassant celles des humains) et pourquoi pas aussi des moutons ou des ours augmentés, ainsi que des machines dotées d’une intelligence inouïe.
  3. Une fois encore, Oscar Horta fait école : à sa suite on retrouve dans les écrits de divers auteurs des réflexions sur la compétence douteuse des animaux et/ou la comparaison avec des États faillis (par exemple, Mannino, 2015 ; Faria, 2016 ; Ryf, 2016 ; Lepeltier, 2018).