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CA n°43 – L’Industrie du bien : philanthropie, altruisme efficace et altruisme efficace animalier – août 2019

Chapitre 10 – Utilitarisme et inclusivité dans l’altruisme efficace animalier

 

 

Ce chapitre est consacré aux valeurs et convictions éthiques qui guident l’altruisme efficace animalier (AEA). Il nous conduira à constater qu’elles sont similaires à celles qui prévalent dans d’autres compartiments de l’altruisme efficace (AE). Il permettra aussi d’observer comment ces valeurs se manifestent sur des questions qui touchent spécifiquement le monde des défenseurs de la cause animale.

1. La philosophie d’ACE

Le site d’ACE comporte une page intitulée « Les fondements philosophiques de notre travail »1. On y retrouve une caractéristique générale de l’AE : le fait de s’appuyer sur un seul courant de philosophie éthique, l’utilitarisme, sans que ce soit dit de façon explicite. Cette phrase pourrait même passer pour une dénégation : « Nous [ACE] ne sommes liés à aucune théorie éthique en particulier sur la manière dont les gens devraient prendre leurs décisions. » Le texte explique que des personnes peuvent avoir une conception de la morale qui les conduit à prêter attention à des facteurs autres que l’impact de leurs actions sur le bien-être : par exemple, elles peuvent juger important de promouvoir l’égalité, ou refuser d’agir de certaines manières dans leurs relations avec les autres. Puis, ACE affirme à nouveau sa neutralité éthique : « Pour l’essentiel, nous n’avançons aucune hypothèse sur la question de savoir si des caractéristiques des actions, autres que leur impact sur le bien-être sont moralement pertinentes. » Plus loin, ACE annonce sobrement que « nous travaillons simplement pour identifier les actions qui ont le plus grand impact sur le bien-être ». En clair : ACE comprend très bien que des personnes puissent avoir d’autres valeurs, mais annonce que le seul critère qu’il utilisera pour juger de l’efficacité des associations, ou des formes d’actions, est l’impact sur le bien-être, soit le critère utilitariste.

La manière qu’a ACE d’expliquer son investissement dans la défense des animaux soumis à l’élevage industriel le confirme :

Nous pensons que si un individu futur devait connaître plus de souffrance que de joie, il est préférable de faire en sorte que cet individu ne naisse pas, toutes choses égales par ailleurs. Par exemple, nous considérons qu’une action a un résultat positif si elle évite à un animal de naître dans l’élevage industriel. Nous ne savons pas avec certitude s’il vaut mieux pour un animal de ne pas naître du tout plutôt que de naître dans une ferme-usine ; nous opérons en supposant que les animaux dans les fermes-usines mènent des vies dont le solde en termes de bien-être est négatif, et qu’il vaut mieux par conséquent leur éviter de naître.

Ce qui est notable, pour notre propos, n’est pas qu’ACE fasse valoir que les conditions de vie sont exécrables dans l’élevage intensif. C’est le fait que l’unique critère avancé pour justifier l’investissement d’ACE dans la lutte contre l’élevage industriel soit l’hypothèse que le solde [plaisirs – peines] des animaux est négatif, alors même que les auteurs précisent ne pas pouvoir le démontrer avec certitude. Si l’équipe d’ACE n’était liée à aucune théorie éthique en particulier, elle mentionnerait aussi des raisons de s’opposer à l’élevage issues d’autres théories éthiques ou de la morale commune : par exemple, le fait de juger immoral que des êtres sentients soient des propriétés, soient privés de tout contrôle sur leur existence, soient mis à mort sans nécessité…

La déclaration philosophique d’ACE est également conforme à la ligne générale de l’AE en ce qu’elle s’écarte de l’idéal utilitariste théorique sur un seul point : il n’est pas exigé des altruistes qu’ils aillent jusqu’à ne pas donner plus de poids à leurs intérêts personnels qu’à ceux de n’importe qui d’autre. (La norme est abaissée pour éviter d’avoir un effet dissuasif en demandant trop.) « Nous ne soutenons pas que nos lecteurs doivent toujours agir de la façon qui a le plus grand impact positif, si exigeant que cela puisse être », écrit ACE.

Il serait fastidieux de parcourir chacune des organisations de l’AEA pour montrer qu’elles sont au diapason du reste de l’AE pour ce qui est de leur orientation éthique : c’est effectivement le cas. Restons sur l’exemple d’ACE, et envisageons maintenant sous un autre angle le rapport entre l’AEA et l’utilitarisme, en reprenant l’idée développée par Kahane et alii (2018), selon laquelle la proximité psychologique avec l’utilitarisme comporte deux dimensions distinctes : la bienfaisance impartiale et le mal instrumental (cf. chapitre 6). Nous savons que, dans l’AE constitué, les deux dimensions sont présentes, la seconde n’étant franchement requise que sous la forme de la non-assistance instrumentale (cf. chapitre 8). La page « Fondements philosophiques » d’ACE contient de façon évidente la dimension « bienfaisance impartiale ». La mission-même d’ACE est de solliciter la générosité, puisqu’il s’agit de guider des donateurs vers des associations jugées performantes. De plus, ACE indique explicitement que la considération morale est due aux êtres sentients, indépendamment de leur race, genre ou espèce. ACE affirme que « la moralité d’une action ne dépend pas de la proximité de ceux qu’elle affecte », prenant l’exemple des chiens lointains abattus pour leur viande à Yulin, envers qui nous n’avons pas moins d’obligations qu’envers un chien errant de notre voisinage.

Qu’en est-il de la non-assistance instrumentale, c’est-à-dire de la désignation explicite de bénéficiaires potentiels qu’il ne faut pas aider, quand bien-même ils en auraient un besoin criant ? Nous avons vu au chapitre 7 (§ 3.2.) qu’elle est bien présente dans le reste de l’AE. Elle n’a de sens que si le but est de détourner des personnes qui donnent déjà, ou s’apprêtent à donner, à un groupe dans le besoin, au motif qu’elles feront plus de bien en dirigeant leurs ressources ailleurs. La page « Fondements philosophiques » d’ACE (en excluant les liens) semble exempte de ce trait. ACE se contente d’expliquer qu’il a choisi pour sa part de s’occuper des animaux d’élevage parce qu’il juge que c’est la voie la plus prometteuse pour aider le maximum d’animaux tout en ajoutant :

Nous nous soucions profondément du bien-être de tous les sentients et pensons que la souffrance d’un lapin dans un laboratoire importe autant que celle d’une poule en cage. […] L’accent que nous mettons sur l’identification des causes, interventions et associations peut donner l’impression qu’il y a une seule manière d’être le plus efficace. En fait, nous pensons que l’approche la plus efficace est probablement plurielle, et nous espérons qu’une grande diversité d’associations continueront à mener un large éventail d’interventions pour aider toutes les populations animales. Nous continuerons toutefois à recommander que les ressources supplémentaires (marginal resources) soient dirigées vers les animaux de ferme aussi longtemps qu’ils ne recevront qu’une petite fraction des ressources consacrées aux animaux alors qu’ils sont l’immense majorité des animaux qui souffrent aux États-Unis. (ACE, op. cit.)

Cette position fait preuve d’une ouverture remarquable au nécessaire pluralisme. Il n’y est pas question de pousser à priver de ressources d’autres secteurs de la protection animale, seulement du choix d’ACE de travailler à dégager des moyens supplémentaires spécifiquement pour les animaux d’élevage, et des justifications de ce choix. Pourtant, il suffit de creuser un peu pour découvrir que la non-assistance instrumentale est bien présente dans l’AEA.

2. Refuges versus animaux d’élevage : un schéma devenu populaire

Le passage cité à la fin de la section 1 ci-dessus contient un lien cliquable conduisant vers un autre texte d’ACE intitulé « Pourquoi, les animaux d’élevage ? »2. Il contient le graphique suivant, relatif aux États-Unis. Ce graphique a été maintes fois repris au sein de l’AE (par McAskill et Singer notamment), c’est pourquoi on doit y prêter attention. À gauche, on voit l’importance relative du nombre d’animaux tués selon qu’ils sont destinés à la consommation, euthanasiés dans des refuges, tués dans des laboratoires, etc. À droite, on voit la répartition des sommes données à la cause animale, selon qu’elles sont destinées aux résidents des refuges, aux animaux d’élevage, ou à d’autres animaux. Deux rubriques vont par la suite s’imposer comme les termes privilégiés de la comparaison : animaux d’élevage versus animaux des refuges.

« Pour chaque chien ou chat euthanasié dans un refuge, environ 3400 animaux de ferme sont abattus », commente ACE.  On pourrait crier au truisme sachant que la vocation normale des refuges est de maintenir les animaux en vie, tandis que celle de l’élevage est de tous les conduire à la mort. De même, les dépenses mises en parallèle ne sont pas du même ordre. Les frais engagés par les refuges permettent aux résidents de consommer (manger, avoir un abri, accéder à des soins vétérinaires). Les dépenses allouées à la défense des animaux d’élevage ne consistent pas à assurer leur entretien (ce sont les éleveurs qui le font). Elles consistent à payer des salariés d’organisations animalistes, à produire des études et enquêtes, à rembourser des frais de déplacement, à fournir du matériel à des bénévoles… pour toutes sortes d’actions qui, si elles réussissent, diminueront le nombre d’animaux soumis à l’élevage intensif, ou rendront leurs conditions de vie moins mauvaises. Néanmoins, on comprend bien l’intention du schéma d’ACE : faire apparaître la disproportion colossale entre le nombre d’animaux victimes de l’élevage et la faiblesse des dons destinés à leur venir en aide. La disproportion n’est pas surprenante : elle reflète la différence de statut et d’attachement aux animaux compagnons et aux animaux mangés dans nos sociétés. Néanmoins, elle permet de souligner le besoin particulier de sensibiliser au sort des animaux d’élevage et d’offrir des ressources en temps ou argent pour le faire.

La comparaison n’est opérée par ACE qu’à l’intérieur de la sphère « cause animale », bien que le principe d’indifférence à la cause permette de faire plus. ACE ne s’aventure pas à comparer les sommes gigantesques allouées aux causes humaines au peu de ressources destinées aux animaux d’élevage. Il ne le fait ni à propos d’humains dans la pauvreté extrême (comme ceux aidés par les associations recommandées par GiveWell), ni non plus concernant les dons (très élevés en comparaison) que les Étasuniens dirigent vers l’éducation, la santé, ou les services sociaux destinés à leurs concitoyens. On observe par ailleurs que la comparaison refuges/élevages repose sur le nombre d’individus concernés, mais s’arrête à la sphère dans laquelle ACE a choisi de s’investir : sans quoi les animaux pêchés seraient arrivés en tête des oubliés des donateurs par rapport au nombre d’individus affectés.

Voyons à présent comment le glissement a eu lieu du constat « on donne très peu pour les animaux d’élevage par rapport aux animaux des refuges » vers la suggestion « donnez moins pour les refuges et placez le temps/l’argent ainsi économisé au service des animaux d’élevage. »

3. Les refuges dans le rôle de mauvais placement altruiste

Le 24 septembre 2015, Jon Bockman (alors directeur d’ACE) publie sur le blog de l’association un article sur le thème des refuges accueillant des animaux de ferme3. L’auteur estime qu’on doit donner la priorité à la fonction éducative de tels refuges, plutôt qu’à leur rôle de sauvetage d’animaux. Selon lui, l’utilité de ces lieux est avant tout de susciter la sympathie envers les animaux d’élevage, et de fournir l’occasion d’expliquer au public ce que leurs semblables subissent dans les exploitations agricoles. Mais, au-delà de cette fonction démonstrative, il faut avoir conscience, dit Bockman, que les ressources consacrées au sauvetage d’animaux privent de moyens d’autres secteurs de l’action animaliste. L’auteur note que le coût lié à l’accueil de résidents dans les refuges peut être réduit lorsque ces refuges mettent sur pied de bons programmes d’adoption, de manière à ne pas devoir durablement pourvoir à l’entretien des animaux. Il ne franchit pas l’étape suivante, consistant à désigner l’adoption d’animaux comme inefficace, bien qu’elle soit dans la suite logique du raisonnement amorcé. Car, une fois les animaux accueillis dans des familles, ils continuent à consommer. Il était donc possible de poursuivre en soutenant que le défenseur performant des animaux devrait s’abstenir de dilapider son temps et son argent avec des animaux compagnons pour mieux servir les animaux d’élevage.

Une page du site d’ACE intitulée « Le bénévolat efficace »4 parcourt les différentes manières de donner de son temps pour les animaux (faire pression sur les entreprises, faire pression sur le personnel politique, tenir des tables d’information, manifester, etc.). Le bénévolat dans les refuges n’est mentionné qu’à la toute fin du texte, en ces termes :

Beaucoup de gens tirent un plaisir personnel à faire occasionnellement du bénévolat dans des refuges locaux […]. Nous ne considérons pas qu’il est "mal" de consacrer un peu de temps à des activités qui développent vos liens avec les animaux et vous encouragent à apporter d’autres contributions dans des domaines tels que celui des animaux d’élevage. Nous vous recommandons toutefois d’avoir conscience que ces activités servent surtout à vous sentir bien, et à rester suffisamment en forme pour militer durablement pour les animaux ; mais ce n’est pas la manière la plus efficace de leur venir en aide. Ces activités peuvent cependant s’avérer positives si elles fortifient votre engagement pour la cause animale.

Dans les deux textes précités, les animaux des refuges ne sont désignés comme bénéficiaires recommandés de l’altruisme que dans la mesure où ils sont des moyens au service de la défense des animaux d’élevage. Les aider au-delà de ce point constitue pour ACE une allocation inefficace des ressources : il n’y a pas lieu de secourir plus d’animaux que le strict nécessaire pour assurer leur fonction éducative auprès des visiteurs (sensibilisation du public), et pour doper le moral des militants qui les côtoient occasionnellement.

La comparaison entre les refuges et la lutte contre l’élevage intensif d’ACE appelle une autre remarque. Si vous regardez les associations recommandées par GiveWell, ou autres organismes du secteur de l’AE dédiés aux pauvres du tiers-monde, ce sont presque toutes des associations qui procurent à des individus très démunis de quoi mieux satisfaire leurs besoins. Personne ne dit que c’est un puit sans fond, et qu’il vaudrait mieux limiter l’action humanitaire à ce qui est nécessaire à but démonstratif. Ni qu’on ne doit aller faire du volontariat auprès des populations les plus pauvres que si l’on en ressent le besoin pour « se sentir bien » et rester motivé, mais que l’essentiel des ressources destinées à combattre la misère humaine devraient être consacrées à agir sur les facteurs socio-économiques structurels qui entretiennent la pauvreté : les détracteurs de l’AE lui reprochent précisément d’être très absent sur ce terrain. L’AEA propose à l’inverse de beaucoup miser sur le changement structurel pour améliorer la condition animale. En cela, il est proche du mouvement de libération animale en général. Toutefois, il est rare de retrouver ailleurs dans ce mouvement l’ardeur à mettre les refuges en concurrence (défavorable) avec l’action pour les animaux élevés pour la consommation humaine.

Citons un autre document d’ACE qui prend comme point de comparaison les refuges pour montrer qu’il est préférable de soutenir l’action contre l’élevage intensif. Il s’agit de ce graphique illustrant le nombre d’animaux sauvés par un don de 1000 $, selon que vous donnez aux associations recommandées par ACE, ou que votre argent va à des refuges.

Le graphique se trouve dans un article intitulé « Impact des dons » dont la dernière actualisation remonte à janvier 20185. Cette fois, la comparaison se fait directement en vies épargnées, et non en sommes reçues par différents compartiments de la défense animale. La morale du graphique est que les refuges sauvent peu d’animaux tandis que lutter contre l’élevage (via les associations recommandées par ACE) en sauve beaucoup plus. ACE précise néanmoins, sous le graphique, qu’ « animaux épargnés » n’a pas le même sens dans les deux cas. Les refuges permettent à des animaux de rester en vie. La lutte contre l’élevage industriel évite la naissance d’animaux qui auraient vécu dans les fermes-usines, ou améliore les conditions de vie d’animaux en élevage.

Intéressons-nous au côté « animaux de ferme » du graphique, en essayant de ne pas nous perdre en détails techniques, d’autant que l’article dont est extrait le schéma ne permet pas de connaître exactement les calculs sous-jacents6. On sait seulement qu’ACE a « combiné » les résultats de ses évaluations coût-efficacité de 2017 concernant 5 associations (The Humane League, Animal Equality, L214, Open Cages et CIWF USA). Le chiffre 4056 est une moyenne (plus exactement, une espérance mathématique).

Les 4056 animaux épargnés en moyenne (espérance) ont été calculés avec des coefficients de conversion de poules et poulets que des entreprises se sont engagées à élever dans de moins mauvaises conditions en équivalent animaux non-nés (évitant une vie de souffrance), des coefficients subjectifs d’imputation de changements des conditions d’élevage à telle association, des convertisseurs de nombre de tracts distribués en personnes optant pour le végétalisme, etc. On peut se faire une idée du degré phénoménal de dépendance de ce genre d’estimations numériques aux valeurs subjectivement attribuées par les évaluateurs aux paramètres inconnus en comparant le graphique reproduit plus haut, à la version qui figurait dans la version précédente de la page « Impact des dons d’ACE » (reproduite dans Nathan, 2017) :

Le nombre d’animaux épargnés en moyenne (espérance) par un don de 1000 $ à des associations recommandées par ACE a connu une chute vertigineuse : 76 965 dans la version affichée en 2017, et « seulement » 4056 en 2018. La raison n’en est pas que les associations recommandées auraient connu une chute de performances catastrophique. C’est seulement qu’au fil du temps, ACE revoit ses conventions de calcul, et que les conventions font le résultat.

ACE aurait pu expliquer l’importance d’agir pour les animaux d’élevage, et exposer les raisons qui lui faisaient penser que telle association s’y prenait bien pour le faire, sans passer par cette cuisine. ACE aurait pu aussi se contenter d’insister sur les façons dont les donateurs pouvaient dégager des ressources pour lutter contre l’élevage en se montrant plus généreux, ou en réorientant vers les animaux d’élevage des dons en temps ou en argent qu’ils faisaient antérieurement au bénéfice d’individus pour qui ces dons ne sont pas d’une nécessité vitale. Ce n’est pas le choix qui a été fait. La désignation d’un secteur de la protection animale qui sauve des vies comme exemple d’allocation inefficace des dons est bien présente.

À la suite d’ACE, l’usage s’est répandu dans le milieu de l’AE de prendre comme cible privilégiée les refuges. Pour ne donner qu’un exemple, lors de son passage en France en 2018, à l’occasion de l’édition française de L’Altruisme efficace, Peter Singer a mentionné dans plusieurs de ses interventions l’argent allant aux refuges (comparé aux faibles sommes données pour défendre les animaux d’élevage) comme exemple d’allocation inefficace des ressources. Dans une vidéo enregistrée pour Iamvegan.tv et diffusée le 13 octobre 20187, Peter Singer reprend exactement l’argumentaire d’ACE, à ceci près qu’il ne cite que les chiens et chats comme résidents des refuges. Après avoir rappelé que les animaux dans les élevages sont bien plus nombreux et souffrent beaucoup plus que les chiens et les chats, Singer dit ceci à propos des personnes qui apportent leur aide à des refuges :

Que ce soit parfaitement clair, j’admire leur préoccupation pour les animaux, mais j’espère qu’ils se demanderont si ce qu’ils font est réellement le mieux qu’ils puissent faire pour les animaux et qu’ils redirigeront [souligné par moi] une partie de l’argent ou de l’énergie qu’ils consacrent à aider les chiens et chats à aider les animaux de ferme. Honnêtement, je ne vois pas pourquoi nous devrions nous soucier davantage du bien-être d’un chien que du bien-être d’un cochon.

Au vu des éléments rassemblés jusqu’ici, il s’avère que l’AEA est en parfaite conformité avec le reste de l’AE pour ce qui est de sa ligne éthique. Le fondement utilitariste s’exprime dans le fait que l’impact sur le bien-être est l’unique critère mis en avant pour déterminer l’action bonne. On retrouve dans l’AEA les deux versants de l’utilitarisme distingués par Kahane et alii : la bienfaisance impartiale, et le mal instrumental. Comme ailleurs dans l’AE, la bienfaisance impartiale est tempérée par le signal envoyé aux altruistes qu’on n’exige pas d’eux qu’ils donnent le même poids à leurs intérêts personnels qu’à ceux de n’importe qui d’autre. (Ils peuvent continuer à se privilégier eux-mêmes, du moment qu’ils font un effort pour être plus généreux.) Comme ailleurs dans l’AE, la forme la plus marquée d’appel au mal instrumental réside dans la préconisation de la non-assistance instrumentale.

4. Exemples de réactions négatives aux orientations de l’AEA

Kahane et alii ont avancé (à titre simplement d’hypothèse, et non de fait établi) qu’il se pourrait que l’adhésion à l’utilitarisme corresponde à des profils psychologiques rares. Ils ont également observé que, chez les profanes (les non-philosophes), les personnes approuvant le versant « bienfaisance impartiale » de l’utilitarisme présentaient souvent des traits différents de celles approuvant le versant « mal instrumental ». On peut dès lors s’attendre à ce que l’adhésion de l’AEA à l’utilitarisme, et la présence manifeste dans l’AEA des deux versants distingués par Kahane et alii, suscitent des attitudes de rejet chez certains autres acteurs du mouvement animaliste. Nous allons dans cette section citer des exemples de telles réactions.

Exemple 1 : Ingrid Newkirk. Sur le blog de PETA, on peut lire la transcription d’un discours d’Ingrid Newkirk prononcé en 2016, sous le titre « Que se passerait-il si l’élevage industriel devenait la seule chose à laquelle nous travaillions tous à mettre fin ? »8. Ce sont clairement les AEAs et l’appel d’ACE à privilégier la lutte contre l’élevage industriel au détriment d’autres secteurs de la protection animale, qui sont ciblés par Newkirk. Elle décrit les gens d’ACE comme « de bonnes personnes » qui mènent des évaluations « pour promouvoir l’idée que la seule chose efficace est de lutter contre l’élevage intensif », mais dont « le raisonnement est insensé ». Pour partie, son discours joue sur l’aversion que peut inspirer la non-assistance instrumentale, dès lors qu’on se représente distinctement les individus qu’il faudrait abandonner à leur sort. Newkirk incite à cette réaction en donnant des exemples concrets d’animaux (chiens maltraités, animaux de cirques, de laboratoire, élevés pour leur fourrure…) qui ont été secourus par PETA, et qui ne l’auraient pas été si le mouvement animaliste s’était uniquement soucié des animaux destinés à la consommation alimentaire. Mais, pour partie, Newkirk défend sa position sur la base d’un désaccord stratégique, si bien qu’on peut aussi comprendre son intervention comme l’expression d’une différence de jugement sur la bonne manière d’être efficace. Newkirk défend l’intérêt pratique d’être présent sur plusieurs fronts pour faire avancer la cause animale. Elle mentionne le nombre de personnes qui ont été attirées sur le site de PETA parce que l’association était intervenue, ou avait pris position, sur des faits divers qui les avaient émues (la mort du lion Cecil, par exemple) et qui, une fois sur le site, ont pu s’informer sur d’autres thèmes auxquels elles n’avaient pas prêté attention jusqu’alors. Elle fait valoir qu’il importe de faire en sorte que les enfants ne grandissent pas en considérant qu’il est normal d’asservir les animaux, et qu’à ce titre, il est utile de se mobiliser contre les zoos et les cirques. Pour elle, il serait aberrant d’attendre que tout le monde soit devenu végétalien pour s’attaquer à d’autres aspects de la condition animale, car « nous sommes un mouvement pour les droits des animaux : un mouvement qui s’oppose au spécisme sous toutes ses formes, c’est-à-dire, certes, un mouvement qui s’oppose à la cruauté envers les poulets et les vaches, mais aussi envers les chiens, les chats, les éléphants, les dauphins, les ours, les souris et les singes. »

 Exemple 2 : Martin Balluch. Balluch rédige une note de blog9 en mai 2018, après avoir assisté à un atelier du CEVA (Center for Effective Vegan Advocacy), animé par Tobias Leenaert. Chez Balluch, l’opposition à l’AEA porte ouvertement sur la philosophie éthique. Il n’adhère pas du tout à l’utilitarisme « tacite » des altruistes efficaces, qui selon lui est, de plus, une forme « très crue et très naïve » de cette doctrine. Balluch se déclare en lutte pour les droits des animaux, pour les libérer de l’oppression, ce qui n’est pas la même chose, explique-t-il, que de vouloir réduire la souffrance, de quelque origine qu’elle soit et par n’importe quel moyen. Il observe que les utilitaristes ne se précipitent pas pour remettre en cause les droits humains, mais que, par contre, ils ne posent aucune limite sur les manières envisageables d’intervenir sur la vie des autres animaux, sur le mode du « dictateur bienveillant » (c’est ici la pensée RWAS qui est en ligne de mire). Par rapport au thème qui nous occupe, on retiendra que c’est le versant « mal instrumental » de l’utilitarisme qui est qui jugé inadmissible :

Un exemple de bonne action donné par le CEVA […] est celui d’un modèle posant pour une publicité pour un abattoir, et qui ensuite reverse l’argent qu’elle a gagné pour promouvoir le véganisme. Le CEVA se contente de calculer que, si elle fait cela, il y aura globalement moins de souffrance ; peu importe qu’elle collabore personnellement à la tuerie insensée d’animaux non humains sur une chaîne d’abattage. En suivant cette logique, il vaudrait la peine de gérer un abattoir si tous les profits allaient à la promotion du véganisme. L’utilitarisme radical ne connaît aucune limite du moment que les actions ont pour conséquence de réduire la souffrance globale. Cela me rappelle le cas d’une personne qui voulait tuer un chat au centre de Vienne, parce que, selon elle, ce spectacle ferait prendre conscience de la brutalité de l’abattage, et susciterait l’empathie pour les animaux de ferme. Nous sommes activement intervenus pour empêcher cette action, parce qu’elle va à l’encontre des droits fondamentaux du chat. (Balluch, op.cit.)

Exemple 3 : les amis d’Esther. Lors de son passage en France en 2018, Peter Singer a plusieurs fois abordé le sujet de l’allocation inefficace des ressources dans la cause animale. En une occasion, il a dérogé à la coutume en n’attribuant pas le mauvais rôle aux refuges. Singer a parlé de la somme collectée (650 000 dollars canadiens) pour financer un scanner pour « un seul cochon », alors qu’on aurait pu, selon lui, utiliser cette somme pour aider un très grand nombre d’animaux victimes de l’élevage industriel. Il a utilisé une analogie avec les consommateurs rationnels (supposant implicitement que nous le sommes tous), en expliquant que quand nous achetons un appareil photo, nous choisissons le meilleur rapport qualité/prix. Sa conclusion a été que nous devrions faire de même pour nos dépenses altruistes et que le scanner pour le cochon « n’est pas une utilisation optimale de l’argent que vous avez donné ». Le cochon en question n’est autre que la célèbre truie Esther. Il se trouve que la vidéo10 de iamvegan.tv dans laquelle Peter Singer développe cet exemple a atteint les réseaux des très nombreux fans d’Esther. Sous la vidéo, on peut lire 365 réactions d’internautes. La plupart sont des commentaires indignés, insultants ou attristés postés par des amis d’Esther. L’intervention de Singer a eu pour principal effet de lui attirer leur antipathie. Il est à craindre que désormais ils ne prêtent aucune attention à sa parole quand il s’exprime sur d’autres sujets. Pour partie, la réaction de rejet vient de la recommandation de non-assistance instrumentale, adressée à des personnes qui sont profondément attachées à Esther (« I love Esther ») et qui ne supportent pas qu’on vienne leur dire qu’ils auraient dû la laisser tomber. En ce sens, cet épisode illustre le caractère pour le moins hasardeux des plaidoyers pour l’efficacité consistant à mettre le projecteur sur les individus dans le besoin qu’il faut abandonner – plaidoyers adressés aux donateurs à la « mauvaise cause » (sans quoi, ils ne servent à rien). Cependant, cet exemple est loin d’offrir un terrain d’observation parfait des réactions qu’inspire la non-assistance instrumentale. Car Singer s’est exprimé sur le cas d’Esther sans bien connaître les faits, ce que bon nombre de commentateurs n’ont pas manqué de lui reprocher : le scanner (le seul de ce type au Canada) n’est pas « pour un seul cochon » ; les donateurs étaient informés qu’il serait mis à la disposition de tous les grands animaux dans un institut vétérinaire ; une partie de la somme collectée (dépassant les besoins) a été redirigée vers d’autres emplois ; la notoriété d’Esther est utilisée pour sensibiliser au sort des animaux de ferme… La vague de réactions négatives à cette vidéo a été si haute, qu’ACE a demandé à Singer s’il voulait préciser son point de vue. Celui-ci a répondu très (trop) vite à cette sollicitation et envoyé une réponse très « AE », de type « fournissez-moi les chiffres », qui a été publiée par iamvegan.tv au-dessus de la vidéo pré-citée :

De nombreuses personnes ont souligné que le scanner n’avait pas été acheté seulement pour aider Esther, mais pour aider tous les grands animaux qui en auraient besoin. Personne ne m’a donné le détail du nombre d’animaux qui ont bénéficié du scanner, ni de la manière dont cela les a aidés. Quiconque veut soutenir que dépenser 650 000 $ pour ce scanner était la meilleure façon de servir les animaux devrait fournir cette information. Sans quoi, je continuerai de penser que donner cet argent à une des associations recommandées par ACE aurait été une manière plus efficace de réduire la souffrance animale. (P. Singer)

Il ne fait aucun doute que Singer est animé par la volonté de pousser à remédier au mieux à la souffrance animale, et qu’il fait la publicité de l’AE parce qu’il est persuadé des vertus du mouvement. Mais avec cette réponse, il s’enfonce. À nouveau, il montre qu’il connaît mal le sujet (il demande un bilan des services rendus par un scanner qui n’est pas encore en service). À nouveau, il tient pour inexistant « l’effet Esther » comme moyen de susciter la compassion pour les animaux mangés.

Dans les trois exemples de critiques cités, on trouve par ailleurs des expressions de défiance envers la propension calculatoire – certains disent le goût des « maths » – des AEAs. Il serait trop long et difficile d’évaluer, au cas par cas, le poids relatif des deux facteurs qui alimentent cette réaction : (1) le fait d’estimer non fiables les chiffres produits par les AEAs ; (2) le refus (intuitif ou réfléchi) de l’idée que le bien comporte une seule dimension (quantifiable).

Délaissons ce point pour nous tourner vers un tout autre terrain : des valeurs présentes chez les AEAs qui ne sont pas directement dérivées de leur adhésion à l’utilitarisme.

5. La bonne volonté inclusive des AEAs

Il existe un courant d’opinion, ou une sensibilité, qui porte une grande attention à l’ensemble des attitudes de type suivant : racisme, sexisme, grossophobie, transphobie, capacitisme, homophobie, âgisme, etc. Les participants à ce courant font de ces attitudes – qu’il dénoncent – une grille de lecture importante de leur interprétation du réel. Le « classisme » est parfois ajouté à la liste mais, clairement, il est au second plan par rapport aux autres thèmes. Quand il est question d’inégalités socioéconomiques, c’est souvent en tant que corrélées aux discriminations phares. Faute de savoir comment désigner ce type de sensibilité, j’utiliserai le qualificatif « intersectionnel », bien que je sache qu’il est impropre (tout en ayant effectivement cours).

Il existe chez les AEAs (et plus largement chez les AEs) une familiarité et une proximité avec les thématiques anti-discrimination. Il en découle un regret que la composition sociologique de l’AE soit à ce point le reflet des catégories dominantes, et une adhésion à des formes d’analyse voisines de celle qu’on a l’habitude de lire dans la mouvance intersectionnelle. Il serait fastidieux de fournir la liste intégrale des indices qui atteste de cette proximité, aussi en restera-t-on à quelques exemples.

En avril 2017, Toni Adleberg publie sur le blog d’ACE un article intitulé « Comment pouvons-nous intégrer la diversité, l’équité et l’inclusion dans le mouvement animaliste ? »11. Elle y souligne que le mouvement végane, et plus encore le mouvement de l’AE, peuvent apparaître comme des mouvements de Blancs aisés. Adleberg explique qu’il importe de s’ouvrir à la diversité. Elle estime que « dans le mouvement animaliste, de nombreuses personnes, non seulement n’aident pas d’autres mouvements anti-oppression, mais leur font activement du tort. Nous manquons des opportunités de nous montrer solidaires, et il arrive que nous agissions pour notre propre cause de manières qui sont sexistes, classistes, grossophobes, et autres. » (Adleberg, op.cit.)

En Janvier 2019, ACE rend compte sur son blog d’une table-ronde dans laquelle quatre intervenants extérieurs ont été sollicités (trois actrices du mouvement animaliste et un philosophe) sur le thème « Comment les défenseurs des animaux peuvent-ils apporter leur soutien à d’autres mouvements ? »12. On y parle de féminisme, de transphobie, de capacitisme… et de l’importance pour le mouvement animaliste de ne pas utiliser des messages « excluants » ou dépréciatifs envers certaines catégories. Une des participantes, Emilia Cameron, de Mercy for Animals, illustre l’idée par cet exemple :

L’utérus et autres organes reproducteurs « féminins » sont souvent utilisés comme symboles du « féminisme ». Mais toutes les femmes ne possèdent pas d’utérus : les femmes cisgenres ayant subi une hystérectomie, les femmes trans et certaines personnes intersexes qui ont été élevées et socialisées en tant que femmes. […] Récemment, j’ai rencontré à une conférence sur la libération animale, une femme qui portait un t-shirt « pour le féminisme et le véganisme » qu’elle avait créé, sur lequel figurait en gros l’image d’un utérus. Cela m’a mise particulièrement mal à l’aise, car j’avais vu son post sur Facebook à propos du t-shirt, et constaté que de nombreuses personnes dénonçaient, à juste titre, le caractère transphobe et nocif de cette image.

Du côté du Sentience Institute, on peut citer par exemple un long article de Kelly Witwicki intitulé « Stratégies efficaces pour l’équité et l’inclusion »13, ou un post de blog de Jacy Reese14 où ce dernier appelle, entre autres, à cesser d’utiliser des femmes ou images de femmes dans le rôle d’appât sexuel pour défendre la cause animale. (On aura reconnu les attaques qui sévissent depuis des années contre certaines pratiques de PETA ; l’article de Reese nous informe sur la question de savoir de quel côté il penche.)

Dans des textes où Lewis Bollard (OPP), ou des salariés d’ACE, disent quelles associations les enthousiasment à titre personnel, on voit revenir souvent Encompass, une organisation qui se donne pour but de favoriser la diversité raciale et l’inclusion dans le mouvement animaliste.

Comme on l’a vu plus haut (section 1), l’unique critère mis en avant par l’AEA est le critère utilitariste (avoir le maximum d’impact sur le bien-être). S’agissant d’animaux, c’est ce critère qui sert directement de guide. Qu’en est-il des convictions intersectionnelles ou anti-discrimination concernant des groupes humains ? Il me semble vraisemblable qu’elles aient été acquises indépendamment d’une délibération poussée de philosophie éthique, conduisant à adhérer à une théorie plutôt qu’à une autre. Elles traduisent plutôt un attachement profond à des valeurs répandues dans les générations et milieux auxquels appartiennent les AEAs, et qui sont en outre fréquemment discutées ou endossées dans le mouvement de libération animale. Ces valeurs ne découlent pas directement de l’utilitarisme, ni ne lui sont opposées, en ce sens qu’il ne découle rien uniquement d’un principe premier sur la nature du bien. Elles peuvent être raccordées à un raisonnement conséquentialiste, moyennant les hypothèses adéquates. C’est ce que fait par exemple Adleberg (2017, op.cit.) quand elle fait valoir que rendre le mouvement animaliste plus inclusif permet d’accroître son audience, et que les organisations ouvertes à la diversité ont des chances d’avoir des performances supérieures car elles élargissent le champ où recruter des talents. Il existe néanmoins des cas où les valeurs « inclusives » semblent jouer directement le rôle de principe premier chez les AEAs, sans passer par la médiation de leur insertion dans une justification conséquentialiste.

6. L’épisode de la dégradation de HSUS par ACE

HSUS (The Humane Society of United States) est une association généraliste de protection animale des États-Unis. Fondée en 1954, c’est aujourd’hui une très grande organisation. HSUS a mis sur pied un programme dédié aux animaux de ferme : HSUS-FAPC (Farm Animal Protection Campaign). Deux hommes ont beaucoup fait pour développer l’implication de l’association dans ce domaine : Wayne Pacelle, qui devient directeur d’HSUS en 2004, et Paul Shapiro qui en devient vice-président en 2005. HSUS a obtenu de nombreux engagements d’entreprises à renoncer aux œufs de poules en cage, et s’est impliqué contre d’autres pratiques très nuisibles aux animaux d’élevage. L’association a joué un rôle de premier plan dans le referendum de 2008 sur la « proposition 2 » en Californie, qui voit les électeurs se prononcer majoritairement en faveur du Prevention of Farm Animal Cruelty Act, qui bannit les formes les plus sévères de confinement des animaux d’élevage dans des cages. HSUS agit également pour favoriser la réduction de la consommation de produits animaux.

Conformément à son choix de donner la priorité à l’amélioration du sort des animaux de ferme, ACE ne s’est penché que sur la partie de l’action d’HSUS les concernant. HSUS (le programme HSUS-FAPC) a fait l’objet de 3 évaluations par l’équipe d’ACE : mai 2014, décembre 2014, et novembre 2016. Dès mai 2014, HSUS reçoit la distinction de standout charity (association remarquable), distinction confirmée en 2016. Pourtant, alors que le temps n’est pas encore venu de procéder à une nouvelle évaluation, ACE annonce en février 2018 qu’il a décidé d’exclure HSUS de la liste des associations qu’il recommande15. Une seule raison est donnée à cette dégradation : l’implication de Paul Shapiro et Wayne Pacelle dans des comportements de harcèlement sexuel à l’égard d’employées de HSUS. À ma connaissance, l’affaire n’a pas donné lieu à des suites judiciaires, mais on en trouve des échos dans la presse et sur des blogs. Le scandale provoque le départ des deux hommes de HSUS. Shapiro cesse d’y être employé en janvier 2018 ; plus d’un an auparavant, il avait déjà été transféré en interne vers un autre poste, suite aux accusations portées par des employées contre lui. Pacelle démissionne le 1er février 2018.

Dans le post de blog précité, ACE exprime ses regrets de s’être fié uniquement aux données fournies par la direction pour apprécier l’ambiance dans laquelle travaillent les salariés d’HSUS, et précise avoir modifié ses méthodes d’évaluation pour y remédier. (En effet, depuis lors, l’équipe d’ACE s’entretient avec des salariés des associations examinées, les questionne sur les discriminations ou comportements répréhensibles qu’ils auraient pu observer, et leur garantit que leurs noms et leurs témoignages ne seront pas rendus publics.)

Mon propos n’est pas de discuter la question de savoir si ACE a bien fait de dégrader HSUS. Il n’est pas non plus d’enquêter sur les agissements reprochés à Pacelle et Shapiro. Cet épisode m’intéresse par ce qu’il peut révéler des valeurs d’ACE.

On notera tout d’abord que HSUS se voit retirer son statut d’association recommandée alors que les deux hommes incriminés n’y sont plus en poste. Ils ne risquent donc plus de nuire à l’efficacité du travail en plaçant certaines salariées dans des situations éprouvantes. En outre, on peut raisonnablement supposer que la vaste publicité négative autour de l’affaire a suffisamment terni l’image d’HSUS pour qu’on y soit désormais plus vigilant sur la protection des salariés.

On constate d’autre part que HSUS s’est vu retirer son statut d’association recommandée sans qu’ACE ne remette en cause la qualité de l’évaluation effectuée en 2016 concernant son travail pour les animaux. Au regard du critère « identifier les actions qui ont le plus grand impact sur le bien-être », il n’y avait donc nul besoin de dégrader brutalement HSUS. Tout au plus ACE aurait-il pu rectifier son rapport de 2016 de façon à inclure les employées harcelées dans son calcul : avec l’imprécision et l’imagination habituelles, il y avait bien moyen de donner un intervalle dans lequel il est probable que se situe le nombre de femmes harcelées, et d’attribuer un chiffre en équivalent « années de souffrance animale » aux torts subis par chacune d’elles. Comme les femmes importunées par les deux hommes ne sont pas des milliers, procéder ainsi n’aurait que marginalement réduit l’appréciation positive de l’impact d’HSUS sur le bien-être. Mais la réaction d’ACE n’a pas été de cet ordre. En cette circonstance, « le harcèlement, c’est non » a fonctionné comme principe premier. Il n’y a pas eu de transaction permise entre les intérêts des uns et des autres (comme c’est le cas quand on dissuade des donateurs de continuer à soutenir des refuges, bien que l’on sache que les conséquences en seront dramatiques pour individus sacrifiés à l’issue de la pesée des intérêts). On pourrait être tenté de penser qu’on est face à un cas flagrant de double standard : utilitarisme pour les animaux, déontologisme pour les humains. Plus simplement, l’événement nous apprend que l’équipe d’ACE est profondément sensible aux dominations et discriminations liées au genre, et leur donne la priorité sur d’autres considérations. Il nous apprend aussi que les AEAs ne sont pas ces robots implacables de la rationalité éthique, qui suivraient une ligne invariable, là où les gens du commun cèdent aux sentiments, privilégient les valeurs saillantes propres à leur milieu ou époque, ou empruntent à des courants de pensée différents selon leur humeur du moment. Le fait n’a rien de remarquable ni de dévalorisant en soi. Tout au plus peut-on le trouver croustillant quand on le met en parallèle avec la prétention des AEs à la rigueur conséquentialiste, dont une des manifestations est le discours récurrent sur l’anti-purisme. Celui-ci cible toutes les attitudes où l’attachement à des principes prend le pas sur la recherche des meilleures conséquences. Parfois, ce discours prend le visage de considérations pragmatiques sur les effets contre-productifs des attitudes hyper-moralisatrices. On dénonce alors le jeu consistant à culpabiliser lourdement les personnes qui sont moins que parfaites dans un domaine auquel nous accordons la plus haute importance. Ou bien on critique l’attitude consistant à se préoccuper uniquement de ne pas pécher personnellement, quitte à n’avoir aucune influence sur nos semblables, voire à les rebuter par nos excès de vertu. (Précisons que ces considérations pragmatiques ne sont pas propres au cercle des AEs.) Parfois, l’anti-purisme des AEs se fait plus offensif, rejoignant le mal instrumental. C’est ainsi que McAskill (2015, chap.8) soutient que le commerce équitable n’aide que très marginalement les producteurs supposés en bénéficier. Il se désole des appels à boycotter les produits des sweatshops (ces usines du tiers monde où les salariés travaillent dans des conditions épouvantables). Car, explique-t-il, les emplois dans les sweatshops sont tout de même très recherchés dans les pays pauvres : les travailleurs y sont mieux lotis que dans les autres conditions qui s’offrent à eux. Les consommateurs devraient donc, selon McAskill, acheter les produits bon marché des sweatshops plutôt que les produits chers du commerce équitable, et verser l’argent économisé à une association de l’AE.

Vous avez peut-être déjà rencontré sur les réseaux sociaux une des façons qu’ont les AEs de marteler le principe « seules les conséquences comptent » : ils citent un comportement personnel destiné à ne pas causer de tort à autrui, et font valoir qu’il est moins bon que celui d’autres individus, moins scrupuleux à cet égard. Je pense à des affirmations du type : « Un végane fait moins pour les animaux qu’un omnivore qui verse tant d’euros par mois à L214. » On trouve en gros ce même raisonnement chez McAskill (2015, p. 177-178).

Ce passage de la page « Fondements philosophiques » d’ACE est tout à fait dans la logique « cherchons ce qui a les meilleures conséquences plutôt que de nous attarder sur les imperfections personnelles » :

Parce que notre appui va à ce qui a le plus grand impact positif, il peut arriver que nous soutenions des actions qui sont moins que parfaites. Lorsque nous évaluons une association, nous n’enquêtons pas sur chaque détail de l’activité de l’organisation et de son personnel (et ne le ferons probablement jamais). Par exemple, nous ne cherchons pas à savoir si chacun des employés de nos top charities est végane, afin de déterminer si une petite fraction des dons que nous suscitons risque de servir à soutenir l’élevage en finançant les salaires des employés.

Avec la dégradation de HSUS, ACE a dérogé à la pureté conséquentialiste. Il y a eu une autre circonstance, en partie similaire, où l’attitude d’ACE est plus difficile à déterminer avec précision : l’affaire qui a éclaboussé Nick Cooney. Évoquer cet épisode nous donnera au moins l’occasion de mentionner des associations particulièrement proches de l’AEA.

7. Nick Cooney et les associations phares soutenues par ACE

A divers égards, le profil de Nick Cooney est voisin de ceux de Pacelle et Shapiro. Tous trois ont eu des responsabilités importantes, et sont les auteurs de livres où ils expriment leurs vues. Ils sont (ou ont été) des personnalités marquantes et respectées du mouvement animaliste étasunien, sans toutefois n’y compter que des admirateurs. C’est ainsi que Lisa Kemmerer, dans un article où elle dénonce le privilège masculin dans le mouvement des droits des animaux, les inclut dans une liste de 12 noms rassemblant des hommes « au pouvoir disproportionné », qu’elle décrit comme suit :

Beaucoup de ces hommes au pouvoir disproportionné viennent d’un milieu privilégié. Un indice en est que la plupart sont diplômés d’universités ou écoles d’élite. Ils ont généralement obtenu des postes dirigeants dans de grandes organisations, ou bien ont créé leurs propres associations ou entreprises au cours de la dernière décennie. (Kemmerer 2018, p. 248-249)

Ces hommes ont plus de pouvoir et de privilèges que la plupart des hommes blancs. Il est arrivé à un seul d’entre eux [Josh Balk], à un moment de sa vie, de participer au mouvement [animaliste] autrement qu’à un poste dirigeant. (Kemmerer, 2018, p. 251)16

Dans le parcours de Cooney, citons les aspects ayant un rapport avec notre sujet. Il est l’auteur, entre autres, de How to Be Great at Doing Good (2015). J’avoue ne pas avoir acquis l’ouvrage, mais d’après les recensions que j’en ai lues, et les extraits en libre accès, cet écrit est dans le style de l’AE. D’ailleurs, parmi les auteurs des appréciations élogieuses qui figurent sur la première page du livre, on trouve les noms de William McAskill (Centre for Effective Altruism), Jon Bockman (ACE) et Adriano Mannino (Raising for Effective Giving).

En 2005, Cooney a fondé The Humane League (THL): une organisation étasunienne spécialisée dans la défense des animaux d’élevage, qui a par la suite étendu son activité en Grande-Bretagne et au Mexique. Il a plus tard été responsable du secteur éducation, puis vice-président, de Mercy for Animals (MFA)17. MFA est également une association originaire des États-Unis (où elle a été fondée en 1999), spécialisée dans la défense des animaux d’élevage. Elle est notamment connue pour les enquêtes qui ont permis de rendre publiques les conditions de vie et de mort des animaux. À partir des années 2010, MFA s’est internationalisé, étendant d’abord ses activités au Canada, puis en Amérique latine et en Asie. C’est au sein de MFA que naît le projet du Good Food Institute (GFI), un organisme destiné à favoriser l’émergence de substituts innovants aux produits animaux. GFI devient une association indépendante en février 2016. Nick Cooney en est le cofondateur et en devient le président à sa création.

Cooney a été lui aussi accusé de harcèlement, sans qu’il y ait eu non plus, à ma connaissance du moins, de suites judiciaires. Il s’agit de harcèlement moral dans son cas. Des employées de MFA ont dénoncé un comportement de sa part qui les a minées psychiquement, leur faisant perdre toute confiance en elles, parce que Cooney leur faisait sentir en permanence qu’elles n’étaient pas à la hauteur. L’affaire n’est devenue publique qu’au début de l’année 2018, mais les plaignantes ont alerté la direction de MFA respectivement en 2015 et 2016. Ce n’est qu’en novembre 2017 que Cooney est poussé à démissionner de son poste.

Les trois associations citées (THL, MFA et GFI) ont en commun d’avoir été placées sur la plus haute marche du podium (top charity) par ACE. De surcroît, plusieurs indices suggèrent qu’elles présentent un degré de proximité avec l’AEA que ne partagent pas les autres associations recommandées.

Depuis 2016, la croissance de THL a reposé à tel point sur l’argent de l’AEA qu’il est difficile de la considérer encore comme une association indépendante à qui il apporterait simplement un appui. Selon Gunther (2018), le budget de THL était inférieur à 1 million de dollars avant qu’Open Philanthropy Project lui fournisse de généreux financements : 3 millions en 2016 ; 2 millions en 2017 ; 10 millions en 2018 ; 2,3 millions au début de l’année 201918.

Les associations distinguées par ACE font (comme toutes les autres) valoir sur leurs sites respectifs le travail accompli et les résultats obtenus. Quelques-unes agrémentent ces bilans de chiffres, mais, le plus souvent, il s’agit simplement de statistiques descriptives : nombre de tracts distribués, nombre d’engagements d’entreprises obtenus, nombre d’enquêtes effectuées, etc. Mais chez MFA on trouve une abondance particulière de chiffres19, dont certains évoquent le style de calculs chers à ACE comme on peut le voir sur cet extrait du bilan chiffré de MFA pour l’année 201820 :

La proximité d’ACE avec MFA est aussi attestée par la vitesse à laquelle GFI a été propulsé top charity : une association qui n’existe que depuis février 2016 se voit décerner le grade de « meilleure association » par ACE en novembre 2016. La chose n’a pas manqué de susciter les sarcasmes de ceux qui doutent de l’impartialité des évaluations d’ACE. D’autant que, conformément aux items standards de chacune de ses évaluations, ACE a dû s’évertuer à meubler péniblement la rubrique intitulée « Critère 5 : cette association a un solide bilan de succès ». À l’évidence, ACE n’est pas un observateur extérieur qui découvre GFI, et qui procède comme il le ferait avec l’association Lambda du Brésil. L’équipe d’ACE est en contact avec MFA, et suit le projet GFI depuis qu’il est en route. Par ailleurs, l’équipe d’ACE est persuadée, tout comme les auteurs du projet, que les technologies débouchant sur des substituts aux produits animaux sont la voie la plus prometteuse pour réduire le nombre d’animaux mangés. On comprend que cet état d’esprit l’ait poussée à soutenir GFI sans attendre qu’il ait fait ses preuves.

Cette intimité avec des associations dans lesquelles Cooney est, ou a été, impliqué amène à se demander si ACE s’est montré aussi sévère envers elles qu’il l’a été avec HSUS lorsqu’il a su que Cooney était accusé de harcèlement. Le fait est que ni THL, ni GFI, ni MFA, n’ont fait l’objet d’une déclaration d’ACE annonçant qu’il leur retirait leur statut d’associations recommandées. Néanmoins, il est difficile d’en conclure quoi que ce soit, du fait d’informations manquantes. Il me semble plausible – ce n’est qu’une supposition – qu’ACE ne se soit pas montré plus « coulant » face à cette autre présomption de harcèlement, malgré la proximité avec Cooney, et l’extrême proximité avec les associations précitées où il a joué un rôle. Tout au plus celles-ci ont-elles échappé à la stigmatisation qui aurait résulté d’un retrait de la recommandation d’ACE explicitement motivé par l’inconduite d’un dirigeant.

THL n’a pas été dégradé, mais il n’y avait aucune raison de le faire. Il est possible qu’à l’époque où l’affaire concernant Cooney éclate, celui-ci ait cessé depuis des années d’y jouer un rôle. De plus, les faits supposés n’ont pas eu lieu à THL.

GFI n’a pas été dégradé. Tout ce que l’on peut constater c’est que Cooney ne figure plus dans l’organigramme, et qu’on trouve des pages Internet où il est qualifié d’ancien président de GFI. J’ignore quand il a quitté GFI et si on l’a poussé vers la sortie. Mais, ce n’est pas à GFI que des agissements problématiques ont été dénoncés. De plus, en tant que président du conseil d’administration, il n’était pas a priori en contact avec le personnel. Au demeurant, à supposer qu’ACE se soit posé la question d’une dégradation de GFI – et il n’avait guère de raisons de le faire, il était difficilement envisageable de cesser de recommander cette association. Les AEAs misent énormément sur les changements que pourraient apporter l’agriculture cellulaire, et le projet GFI, qu’ils ont suivi dès le départ, leur inspire particulièrement confiance. Dans le même domaine, New Harvest avait été nommée « association remarquable » (standout charity) par ACE en novembre 2015, mais ce label ne lui a pas été renouvelé suite à l’évaluation de novembre 201721. Au moment de l’affaire Cooney, ACE n’a aucune solution de rechange s’il abandonne son champion GFI.

Reste la question : comment ACE a-t-il réagi vis-à-vis de MFA qui est directement concerné par la mise en cause de Cooney ? Difficile à dire. On ignore à partir de quand l’équipe d’ACE a eu vent du problème. Il se peut que, comme pour HSUS, ACE n’ait été en contact qu’avec des membres de l’équipe dirigeante de MFA, et que ceux-ci aient tardé à évoquer une affaire embarrassante. Par ailleurs, le fait est que MFA a perdu son statut d’association recommandée par ACE en novembre 2017, alors qu’elle était classée top charity depuis mai 2014. C’est très étonnant, sachant l’extrême proximité de MFA avec l’AE, et alors qu’il ne s’est produit aucun événement montrant que MFA aurait démérité dans son action pour les animaux. À la question « Pourquoi MFA n’a-t-il pas été recommandé ? » (lors de la réévaluation qui devait avoir lieu en 2017), ACE répond par une formulation floue et standard qu’on retrouve pour d’autres associations : « En 2017, MFA a refusé d’être évalué ou a refusé que notre évaluation soit publiée, de sorte que notre évaluation n’est pas suffisamment à jour pour étayer notre précédente recommandation de MFA comme top charity. »22. Est-ce MFA qui a refusé d’être évalué à titre préventif, sachant que les remous internes risquaient de lui valoir un rapport cinglant ? Ou bien ACE a-t-il procédé à l’évaluation, y a-t-il inclus un jugement défavorable lié à l’affaire Cooney conduisant au refus de reconduire la recommandation, et MFA a-t-il refusé que l’évaluation soit publiée pour cette raison ? On l’ignore. En tout cas, il est plausible que la formule elliptique d’ACE à propos de son évaluation, ou tentative d’évaluation, de MFA de novembre 2017 soit liée à l’affaire Cooney, et rien ne permet d’affirmer qu’ACE se serait montré plus tolérant envers MFA qu’il ne l’a été envers HSUS dans une situation voisine.

Il est donc permis de conclure que les valeurs d’inclusivité, de non-discrimination, ou de refus des comportements d’agression liés à une position dominante occupent une place particulière dans les valeurs d’ACE, qui s’ajoute à (et parfois prime sur) des convictions purement utilitaristes.

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Notes

  1. « The Philosophical Foundation of Our Work », page non datée du site d’ACE, consultée le 6 avril 2019.
  2. « Why Farmed Animals ? », site d’ACE, section « Donation Advice », consulté le 7 avril 2019. Il s’agit d’une page attribuée à l’ensemble de l’équipe. À la date de consultation, la dernière révision de cette page remonte à novembre 2016. Le graphique que nous allons commenter figurait déjà dans un article de Jon Bockman publié sur le blog d’ACE le 21 juillet 2016.
  3. « The Value of Sanctuaries and How to Maximise Their Impact ».
  4. Page « Volunteer Effectively » du  site d’ACE, consulté le 9 avril 2019.
  5. Article « Donation Impact », site d’ACE, consulté le 12 avril 2019. À la date de consultation de cette page, la dernière actualisation opérée par ACE remontait à janvier 2018.
  6. Le schéma d’ACE utilise un « diagramme en violon » qui est une façon de rendre visuellement la distribution d’une variable numérique. Il recourt (comme on le voit sur l’axe des ordonnées) à une échelle logarithmique, qui a pour effet d’écraser les valeurs importantes, et de grossir relativement les valeurs faibles. On remarque que le schéma n’exclut pas que les associations recommandées par ACE puissent avoir un impact négatif en termes de vies épargnées. La « moyenne » reste positive (et forte) parce que, dans le calcul sous-jacent, des nombres d’animaux et/ou des probabilités plus faibles sont associés aux éventualités d’impact négatif qu’à celles d’impact positif. L’introduction d’un risque non nul d’impact négatif est un reflet de la prudence croissante manifestée par ACE, dans le choix des chiffres utilisés pour remplacer des données manquantes, suite aux critiques suscitées par ses estimations.
  7. Vidéo intitulée « Peter Singer – Aider en priorité les animaux d’élevage ».
  8. Ingrid Newkirk, « Hey, What if Factory Farming Were the Only Thing Anyone Worked to End ? », blog de PETA, 1er septembre 2016, consulté le 15 avril 2019.
  9. Martin Balluch, « Critique of the Political Aspects of CEVA Workshops », 30 mai 2018, blog martinballuch.com, consulté le 15 avril 2019.
  10. Peter Singer, « Sauver le maximum d’animaux », iamvegan.tv, 7 octobre 2018.
  11. Toni Adleberg, « How Can We Integrate Diversity, Equity, and Inclusion into the Animal Advocacy Movement », blog d’ACE, 27 avril 2017, consulté le 27 avril 2019.
  12. Toni Adleberg, « Roundtable: How Can Animal Advocates Support Other Movements? », blog d’ACE, 16 janvier 2019, consulté le 27 avril 2019.
  13. Kelly Witwicki, « Effective Strategies for Equity and Inclusion », blog du Sentience Institute, 21 novembre 2018, consulté le 18 avril 2019.
  14. Jacy Reese, « 3 Big Changes We Need in the Animal Advocacy Movement », blog du Sentience Institute, 25 juin 2018, consulté le 19 avril 2019.. Une traduction française de ce texte a été publiée sur le site de la revue L’amorce le 20 mai 2019, sous le titre « 3 grands changements dont nous avons besoin dans le mouvement animaliste ».
  15. Allison Smith, « Our Decision to Rescind Our Recommendation of The Humane Society of the United States’ Farm Animal Protection Campaign », blog d’ACE, 2 février 2018, consulté le 21 avril 2019.
  16. Kemmerer, comme Nathan, compte parmi les auteurs qui ne croient pas à l’impartialité des évaluations d’ACE, jugées trop dépendantes du réseau de relations personnelles qui existent entre ACE ou OPP, et des figures – dont Cooney – d’organisations qui se voient labellisées et financées.
  17. On peut lire sur le site d’ACE, le résumé d’un entretien entre Jacy Reese et Nick Cooney, daté du 2 septembre 2016, sous le titre « Conversation with Nick Cooney, Executive Vice President of Mercy for Animals ». Un autre article publié deux ans plus tôt sur le site d’ACE sous le même titre résume un entretien entre Jon Bockman et Nick Cooney (20 mars 2014).
  18. D’après la base de données d’OPP, consultée le 12 juillet 1019. L’année 2019 étant en cours, on ne sait pas si d’autres versements à THL suivront.
  19. Voir cette page du site de l’association : https://mercyforanimals.org/impact
  20. Capture d’écran effectuée le 24 avril 2019.
  21. À noter que le rapport 2017 d’ACE sur New Harvest laisse entendre que le climat dans lequel travaillent les collaborateurs de cet organisme n’est pas idéal.
  22. Page « Mercy for Animals – Overview » du site d’ACE, consultée le 27 avril 2019.