Lettre aux Cahiers antispécistes
Ce texte est une lettre qu’Anna Joliet nous a envoyée, sous forme de cassette, le lendemain de l’émission de télévision « Ciel mon Mardi ! » de mai 1992 à laquelle nous avons participé. Nous avons décrypté et mis en forme cette cassette avec son accord – en conservant néanmoins au texte son style oral.
Il y a très longtemps que je veux vous parler, vous parler un peu des impressions que m'ont donnée toute votre activité et les Cahiers que vous m'envoyez, mais je n'ai pas pu jusqu'ici réunir assez bien mes pensées pour mettre sur papier ou même sur cette cassette les idées un peu en ordre. Mais je vais essayer et vous me pardonnerez peut-être si je ne suis pas très cohérente.
Je vous ai vu hier à la télévision. Depuis que vous êtes passés à mon magasin, que vous avez déposé des écrits qui m'intéressent beaucoup, surtout Le mouvement de libération animale de Peter Singer, depuis, j'ai tremblé pour vous - en fait pour nous puisque je suis tout à fait avec vous - parce que je connaissais les émissions de Dechavanne, et je savais que c'était plutôt du divertissement, très bien suivi ; et je pensais qu'il y avait beaucoup de risques à accepter son invitation. En tout cas évidemment il y avait beaucoup à dire pendant cette émission que vous n'avez pas eu le temps de dire, puisque chacun a justement quelques secondes et qu'elles doivent être utilisées au maximum ; ça devient vraiment une espèce de jeu de cirque assez désagréable. Je savais qu'il était très dur avec les gens, qu'il voulait surtout être drôle, qu'en fait il était faussement libéral ; je pensais bien qu'il n'avait pas beaucoup de sympathie pour les mouvements extrêmes, et le vôtre - le nôtre - doit lui paraître certainement extrême.
Donc, en fait, c'est vrai que ça ne s'est pas très très bien passé, parce que je ne sais pas si nous avons gagné beaucoup de réflexion chez les gens après ou pendant cette émission, il a vraiment le talent de rendre tout le monde ridicule, mais enfin quand même vous en êtes pas trop mal tiré. Toutefois je crois que je peux imaginer que vous étiez très en colère parce qu'on est très en colère devant les gens comme ceux qu'on nous a présentés hier, et qui étaient d'ailleurs un échantillon tout à fait normal des gens que nous rencontrons dans notre vie tous les jours. Ce n'était peut-être pas tout à fait bien de les attaquer, surtout à propos des enfants, parce que c'était beaucoup trop compliqué, et puis je crois que quand les gens sont indignés ou frappés trop fort