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Cahiers antispécistes n°22 - février 2003

Utopie

Ce conte, issu de l’oeuvre de Grimm, met en scène à l’origine un monde totalement fou, mais sans intention particulière de la part des auteurs. Nous avons revu le texte, de manière à présenter le monde, tel que nous souhaiterions qu’il soit, c’est à dire, exempt de toute forme de discrimination.

C.B.

Au temps du pays d'Utopie, j'y suis allée et j'ai vu. J'ai vu Rome et le Vatican suspendus par un fin fil ; un homme sans armes qui faisait régner la paix ; et une épée qui ne servait plus, jetée aux ordures. J'ai vu un va-nu-pieds qui suivait deux beaux messieurs jusqu'à leur château pour manger avec eux. J'ai vu des champs ensoleillés pleins de légumes multicolores ; et une vieille chèvre desséchée qui broutait l'herbe tendre.

Est-ce mentir, ou n'est-ce pas mentir assez ? J'ai vu là-bas une charrue qui labourait sans attelage pour la tirer ; et un gamin qui vivait sa vie, et personne ne la lui disputait. Dans les fleuves, les saumons nageaient par milliers, mais personne ne s'en souciait. J'ai entendu les poissons rire si fort entre eux, que le bruit en a résonné jusque dans le ciel ; et j'ai vu le lait couler comme un fleuve dans la gorge des agnelets ; mais c'était des histoires extraordinaires.

Il y avait aussi deux cochons qui dormaient sous un pont, et deux mouches qui sirotaient de l'orgeat. J'ai vu deux souris se promener avec un chat, un renard nourrir un lapin, et des vers de terre lovés dans des nids d'hirondelles. J'ai pu voir encore deux enfants soigner une araignée, et leurs parents les en féliciter.

Dans un jardin juste à côté, deux vieillards se levaient et reprenaient la route, et personne ne cherchait à les arrêter. J'ai vu aussi des hommes et des femmes marcher côte à côte, et leur sexe n'avait plus d'importance, et j'ai entendu des blancs et des noirs chanter d'une seule voix. J'ai encore vu deux femmes qui s'enlaçaient tendrement, et j'ai entendu un vieil homme qui disait, en les voyant faire, qu'elles avaient bien raison.

Au pays d'Utopie, les uns battaient le grain en y mettant toute leur force, et les autres sommeillaient, dans la chaleur du four. Alors j'ai entendu chanter la poule : Cocorico ! Le conte est dit, Cocorico ! Il est fini.

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