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CA n°40 - Réduire la souffrance des animaux sauvages - avril 2018

L’importance de la souffrance des animaux sauvages

Traduit de l’anglais par Vincent Bozzolan

Ce texte est la traduction d’un article paru en novembre 2015 dans la revue Relations. Beyond Anhropocentrism, volume 3, numéro 2, sous le titre « The Importance of Wild-Animal Suffering ». (Tous les textes parus dans Relations. Beyond Anhropocentrism peuvent être téléchargés gratuitement sur le site de la revue.)

L’auteur, Brian Tomasik, est un chercheur indépendant. Il est cofondateur du Fundational Research Institute. On peut lire d’autres textes de lui sur la souffrance dans la nature sur son site Essays on Reducing Suffering.

La Rédaction

Résumé

Les animaux sauvages sont bien plus nombreux que les animaux détenus dans les élevages intensifs, dans les laboratoires, ou encore que les animaux de compagnie. La plupart d’entre eux subissent au cours de leur vie des souffrances intenses, causées notamment par les maladies, la faim, le froid, les blessures et la peur chronique des prédateurs. Beaucoup d’animaux sauvages donnent naissance à des dizaines, voire des centaines, de petits à la fois, dont la majorité connaît une mort prématurée et souvent douloureuse. Il est dès lors probable que dans la nature, la souffrance prédomine sur le bonheur. Cependant, l’être humain n’est pas impuissant face à la souffrance des animaux sauvages. D’ailleurs, notre influence sur les écosystèmes est aujourd’hui déjà considérable. Si bien que, souvent, la question n’est pas « faut-il intervenir dans la nature ? », mais « comment faut-il intervenir ? ». L’écologie est un domaine très complexe ; il nous faut donc étudier avec prudence les actions que nous pourrions mettre en œuvre pour réduire la souffrance des animaux sauvages sans provoquer des conséquences dommageables sur le long terme. Nous gagnerions également à mettre en avant la cause des animaux sauvages, et à remettre en question les positions environnementalistes dans les milieux militants, universitaires et autres. Enfin, nous devons veiller à ce que les générations futures évitent de disséminer inconsidérément des écosystèmes dans des zones où il n’en existe pas.

Mots-clés : souffrance des animaux sauvage, effets néfastes de la nature, dynamique des populations, prédation, mort, intervention dans la nature, sentience, écologie, terraformation, conséquences imprévues.

La simple vérité est que la nature accomplit chaque jour presque tous les actes pour lesquels les hommes sont emprisonnés ou pendus lorsqu'ils les commettent envers leurs congénères [...] Les discours attribuant une perfection au cours naturel des choses ne sont rien d’autre que les exagérations d’un sentiment de poésie ou de dévotion ; ils ne résistent pas à un examen sensé. Religieux ou incroyant, nul ne pense que les opérations blessantes de la nature, prises dans leur ensemble, promeuvent une finalité bénéfique, si ce n’est en incitant les êtres humains rationnels à se lever et à se battre contre elles.

John Stuart Mill (Mill [1874] 2005, 28-32)

1. Introduction

Typiquement, les militants de la cause animale concentrent leurs efforts là où des interactions ont lieu entre des êtres humains et des membres d'autres espèces ; comme dans les cas de l'élevage intensif, des expériences en laboratoires, des cirques, etc.

La question de la souffrance des animaux vivant à l'état sauvage est moins étudiée, y compris dans la littérature universitaire, malgré quelques exceptions notables (par exemple Sapontzis, 1984 ; Naess, 1991 ; Ng, 1995 ; Kirkwood et Sainsbury, 1996 ; Cowen, 2003 ; Fink, 2005 ; Clarke et Ng, 2006 ; Nussbaum, 2006 ; McMahan, 2010 ; Sözmen 2013). Pourtant, le nombre d'animaux sauvages sur lesquels les êtres humains ont un impact est tel que les défenseurs des animaux ne peuvent ignorer la question. La vie à l'état sauvage est marquée par de vives souffrances. Face à cette réalité, nous ne devons certainement pas intervenir à la légère, mais bien effectuer une recherche de long terme sur le bien-être des animaux sauvages, et sur les technologies qui, un jour, pourraient permettre aux humains de l'améliorer.

L'argumentation développée dans cet article est construite selon la structure suivante. La deuxième partie fournit une description de certaines formes de souffrance qui touchent les animaux dans la nature. La troisième partie établit que la majorité des animaux concernés sont des individus de petite taille, dont la vie est très courte, et qui donnent naissance à de nombreux jeunes. La quatrième partie avance que la plupart des animaux connaissent dès lors davantage de souffrance que de bonheur. La cinquième partie pose la question de la sentience chez les jeunes animaux, et démontre que bon nombre d'entre eux sont déjà conscients au moment de l'éclosion. La sixième partie examine s'il est possible que nous nous trompions intuitivement concernant le degré de souffrance que subissent les animaux dans la nature. La septième partie présente des arguments contre l'idée selon laquelle la vie des animaux sauvages doit être plutôt bonne, sinon ils mettraient fin à leurs jours. La huitième partie examine et conteste la position selon laquelle il serait impossible pour l'être humain de réduire la souffrance des animaux dans la nature ; et la neuvième partie fait remarquer que nous intervenons déjà dans la nature, et que donc notre but devrait être que l’intervention soit bénéfique, et non nuisible, pour les autres animaux. La dixième partie établit que, au regard de tous ces éléments, la souffrance des animaux sauvages constitue un problème sérieux dont la complexité impose néanmoins la conduite de davantage de recherches afin de réduire cette souffrance. La onzième partie avance que les technologies futures faciliteront une intervention réussie dans la nature, même si, en général, des progrès technologiques plus rapides ne sont pas souhaitables. La douzième partie explique que nous devrions veiller à ne pas créer de la souffrance là où il n'y en a pas encore. Et enfin, la treizième partie conclut que les défenseurs des animaux devraient travailler à sensibiliser les militants, les chercheurs et les autres éventuels sympathisants à la souffrance des animaux sauvages, et ce afin de faire avancer la recherche et de permettre à nos descendants d'utiliser leurs technologies avancées de manière à soulager cette souffrance, au lieu de l'accroître accidentellement.

2. L’ampleur de la souffrance des animaux sauvages

Les êtres humains occasionnent aux animaux de la souffrance à grande échelle, et les militants de la cause animale ont raison de s’en révolter. Cependant, le nombre d'animaux vivant à l'état sauvage est beaucoup plus élevé (Tomasik, [2009] 2014). Au même titre que leurs congénères domestiques, les animaux dans la nature connaissent une vie émotionnelle riche (Bekoff, 2000 ; Balcombe, 2006). Malheureusement, beaucoup de ces émotions sont douloureuses. Le poète britannique Alfred Tennyson décrivait la nature comme un endroit « rouge de dent et de griffe ». Dans la langue anglaise, l'expression est devenue un lieu commun ; pourtant, sa signification viscérale ne doit pas être sous-estimée. Ci-après, nous détaillons une série de circonstances dans lesquelles les animaux sauvages sont concernés par la souffrance.

2.1. La prédation

Lorsqu'on pense à la souffrance qui survient dans la nature, la première image qui vient à l'esprit est sans doute celle de la lionne chassant sa proie. Christopher McGowan (1997, p. 12-13), décrivait par exemple la mort d'un zèbre avec une précision saisissante :

La lionne enfonce ses talons en cimeterre dans la croupe du zèbre. Les griffes déchirent la peau épaisse, et s'ancrent profondément dans le muscle. Tandis qu'il tombe au sol, le zèbre pousse un hennissement intense. L'instant d'après, la lionne ôte ses griffes de la chair avant de plonger les dents dans la gorge de sa proie, étouffant ainsi le cri de terreur. Ses canines sont longues et pointues, mais un animal de la taille d'un zèbre est pourvu d'un cou imposant, et d'une épaisse couche de muscle sous la peau. Elles ont beau percer la chair, les dents du félin restent trop courtes pour atteindre les principaux vaisseaux sanguins. La lionne doit donc tuer le zèbre par asphyxie, en serrant sa puissante mâchoire autour de la trachée, pour couper l'arrivée de l'air aux poumons. C'est une mort lente. S'il s'était agi d'un petit animal, comme une gazelle de Thomson (Eudorcas thomsonii), qui ne dépasse pas la taille d'un grand chien, les crocs auraient sans doute percé le cou jusqu'à la nuque ; les canines auraient brisé les vertèbres ou le bas du crâne, entraînant une mort instantanée. Mais dans le cas présent, l'agonie du zèbre va durer cinq ou six minutes.

Certains prédateurs tuent leur proie assez rapidement, comme les serpents constricteurs, qui arrêtent net l'afflux d'oxygène, et provoquent une perte de conscience en moins de deux minutes. D'autres infligent une mort lente, comme les hyènes, qui arrachent la chair de leurs victimes ongulées, morceau par morceau (Kruuk, 1972). Citons également les lycaons, qui éviscèrent leur proie ; les serpents venimeux, qui provoquent des hémorragies internes et des paralysies pendant plusieurs minutes ; et les crocodiles, qui piègent de grands animaux dans leurs mâchoires avant de les noyer (McGowan, 1997, p. 22, 43 et 49).

Un manuel pour propriétaires de serpents explique que lorsqu'ils sont donnés en pâture aux reptiles, les rongeurs se mettent à mordre, donner des coups de patte, gratter, et à faire tout ce qu'ils peuvent pour essayer de survivre (Flank, 1997). Parfois, les proies ne meurent pas immédiatement après l'ingestion par le serpent. D'ailleurs, certains tritons venimeux sécrètent une toxine après avoir été avalés, afin de tuer le serpent et de ressortir par la bouche (McGowan, 1997, p. 59).

Les animaux que l'on considère souvent comme mignons et innocents provoquent également de la souffrance chez leurs proies. À titre d'exemple, les chats domestiques tuent, non sans douleur, des centaines de millions, voire des milliards de lapins, souris et oiseaux (Woods et al., 2003 ; Loss, 2013).

La peur des prédateurs n'est pas seulement une source d'angoisse immédiate ; elle peut également engendrer des traumatismes psychologiques sur le long terme. Lors d'une étude sur les anxiolytiques, des chercheurs ont mis des souris en contact avec un chat pendant cinq minutes, puis ont observé les réactions qui ont suivi. Ils ont découvert que « ce modèle animal d'exposition de souris à des stimuli de prédation inévitables produit des changements cognitifs précoces analogues à ceux observés chez des patients souffrant de réaction aiguë au stress (RAS) » (El Hage et al., 2004, 123). Une étude de suivi a découvert des impacts à long terme dans le cerveau des souris : « [...] l'exposition au prédateur a provoqué des troubles d'apprentissage significatifs dans le labyrinthe radial (16 à 22 jours après l'exposition) et dans le test de configuration spatiale de reconnaissance des objets (26 à 28 jours après l'exposition). Ces découvertes indiquent que cette détérioration de la mémoire peut persister longtemps après un stress de prédation. » (El Hage et al., 2006, p. 45) De même, Phillip R. Zoladz (2008) a mis des rats en présence de prédateurs inéluctables, et d'autres conditions provoquant de l'anxiété. Il a alors constaté des altérations dans les variables corporelles et comportementales qui ressemblaient aux réactions observées chez les humains souffrant d'un trouble de stress post-traumatique (SSTP).

Même les proies qui n'ont pas été confrontées de manière traumatisante à des prédateurs peuvent souffrir du « paysage de la peur » (Laundré et al., 2001) que forment ceux-ci. Lorsque des loups intègrent un écosystème, les élans se montrent par exemple davantage vigilants aux attaques qui peuvent survenir (Wirsing et Ripple, 2010).

On pourrait invoquer le contre-argument selon lequel l'évolution devrait normalement éviter aux animaux de subir des souffrances terribles sur de longues périodes avant leur mort, dans la mesure où cela peut provoquer, du moins chez les espèces plus complexes, un SSTP, de la dépression, ou d'autres effets secondaires handicapants. Mais il est clair que nous disposons de preuves empiriques montrant bien que l'évolution a amené des troubles de la sorte lorsqu’un incident traumatisant se produit, tel que le contact avec un prédateur. Néanmoins, il existe probablement et la plupart du temps une sorte de limite raisonnable par rapport à leur gravité pour que les animaux restent fonctionnels. La mort en elle-même est un autre cas de figure : lorsqu’elle est inéluctable, les pressions évolutives perdent leur influence sur l’expérience émotionnelle. La mort peut très bien être indolore (pour quelques rares animaux) comme extrêmement violente (pour beaucoup d’autres). Il n’y a pas de raison pour que l’évolution rende la mort moins affreuse (Dawkins, 1995).

2.2. Autres causes de décès

La prédation n'est évidemment pas la seule cause de mort douloureuse. Les animaux sont également victimes de maladies et de parasites qui, pendant des jours ou des semaines avant le décès, peuvent provoquer des états de torpeur, des tremblements, des ulcères, des pneumonies, la faim, des comportements violents, ou d'autres symptômes horribles. Pour ne citer qu'un exemple, la salmonellose aviaire peut engendrer chez les animaux infectés un état de dépression sur un à trois jours, ainsi que :

des plumes ébouriffées, une perte d'équilibre, des tremblements, une perte d'appétit, une augmentation ou une absence marquée de sensation de soif, une rapide perte de poids, une accélération de la respiration, et des diarrhées jaunâtres, verdâtres ou teintées de sang. Les excréments collent entre elles les plumes autour du cloaque, les yeux commencent à se fermer et, juste avant la mort, les oiseaux deviennent aveugles et sont incapables de coordonner leurs mouvements ; ils titubent, sont pris de tremblements, de convulsions et d'autres signes nerveux (Michigan Department of Natural Resources, 2015).

D'autres animaux perdent la vie à cause d'accidents, de déshydratation pendant la sécheresse estivale, ou encore de la faim pendant l'hiver. Les conditions météorologiques peuvent aussi être fatales pour de nombreux animaux. Si les oiseaux ne trouvent pas d'abri lors d'une tempête de verglas, leurs pattes peuvent par exemple se figer à la branche sur laquelle ils sont perchés. Certains oiseaux se retrouvent ensevelis sous la neige et meurent d’asphyxie (Heidorn, [1998] 2001).

2.3. Une vie rude

Si la mort constitue souvent le point culminant de la souffrance dans la vie d'un animal, son existence au jour le jour n'est pas forcément agréable pour autant. Contrairement à la plupart des humains des pays industrialisés, les animaux sauvages n'ont pas accès immédiatement à la nourriture lorsqu'ils ressentent la faim. Ils sont constamment à la recherche d'eau et d'un abri, tout en restant aux aguets pour échapper aux prédateurs. Contrairement à nous, la plupart des animaux n'ont pas de foyer où s'abriter lorsqu'il pleut, et ils ne peuvent pas allumer le chauffage à l'arrivée des mois d'hiver et de la chute des températures. L'UCLA explique :

On pense souvent que les animaux sauvages vivent dans une sorte de paradis naturel, et que la souffrance n'est induite que par l'apparition et l'intervention humaines. Cette vision essentiellement rousseauiste se heurte cependant à la grande quantité de données récoltées grâce à des études de terrain concernant les populations animales. Les animaux dans la nature sont régulièrement exposés à la souffrance, en raison de toute une série de facteurs qui se retrouvent ordinairement dans un environnement sauvage : manque d'eau et de nourriture, prédation, maladies, agressions intraspécifiques, etc. Si beaucoup d'animaux semblent vivre plutôt tranquillement dans ces conditions, cela ne veut pas dire qu'ils n'éprouvent pas de souffrance [Bourne et al., 2005]. Les membres malades et blessés d'une espèce prédatée sont les plus faciles à attraper, ce sont donc eux que les prédateurs ciblent en premier. Les proies qui montrent des signes de maladie ou de blessure sont ainsi celles qui sont le plus souvent tuées. Il existe donc une pression évolutive qui pousse les animaux prédatés à éviter d'attirer l'attention sur la souffrance qu'ils endurent. (Nuffield, 2005, chap. 4.12, p. 66)

Dans le même ordre d'idée, Christie Wilcox (2011) arrivait à la conclusion suivante sur la base d'études sur les niveaux d'hormone du stress chez les animaux domestiques et sauvages :

[L]a vraie question devient : un animal domestiqué ou en captivité est-il plus, moins, ou aussi heureux que son congénère à l'état sauvage ? On identifie typiquement quelques conditions nécessaires qui peuvent rendre un animal « heureux » en réduisant le stress excessif. Ces conditions sont à la base de la plupart des lois contre la souffrance animale aux États-Unis et au Royaume-Uni. Les animaux ont notamment les « droits » suivants :

  • accès à de l'eau et à de la nourriture en suffisance ;
  • conditions de confort (température, etc.) ;
  • expression du comportement naturel.

Or, les animaux sauvages ne sont assurés que du troisième point. Ils doivent quotidiennement se battre pour survivre, trouver de l'eau et de la nourriture, mais aussi un ou une partenaire pour l'accouplement. Ils n'ont pas droit au confort, à la stabilité ou à la santé. [...] Selon les normes établies par nos gouvernements, la vie d'un animal sauvage s'apparente à de la cruauté.

En conclusion, sans même parler de la douleur au moment de la mort, la vie des animaux sauvages est jalonnée de nombreuses causes de souffrance.

3. Faible espérance de vie

Dans la nature, les animaux les plus nombreux sont probablement ceux qui sont le plus exposés à la souffrance. Les petits mammifères et oiseaux vivent au mieux un à trois ans de vie adulte avant de connaître une mort douloureuse. L'espérance de vie de nombreux insectes se compte en semaines ; de deux à quatre semaines pour la mouche Haematobia irritans, par exemple (Cumming, [1998] 2006). On peut imaginer qu'il serait préférable de ne pas vivre du tout plutôt que de voir le jour dans la peau d'un insecte, luttant pour sa survie pendant une poignée de semaines, avant de mourir de déshydratation ou de se prendre au piège d'une toile d'araignée. Pires cas de figure encore : être pris au piège pendant douze heures dans l'un des « chevalets de torture » qu'installent les fourmis d'Amazonie (BBC, 2005), ou se faire dévorer pendant des semaines par une guêpe ichneumon (Gould, 1994, p. 32-44). (Ceci dit, nous n'avons pas la certitude que les chenilles ressentent la douleur lorsqu'elles sont dévorées par ces guêpes.)

La question d'une expérience de douleur consciente chez les insectes reste ouverte (Smith, 1991). C'est une possibilité dont il faut néanmoins tenir compte, d'autant plus que les discussions à ce sujet peuvent être qualifiées de sérieuses. Et dans la mesure où le nombre d’insectes se chiffre en puissance 10 à 18 (Williams, 1964), et où la quantité de copépodes est du même ordre (Schubel and Butman, 1998), la « valeur attendue » (la probabilité multipliée par la quantité) de leur souffrance est vaste. Une nuance, néanmoins : la valeur pourrait être amoindrie s’il était avéré que le « niveau » ou « l’intensité » de l’expérience émotionnelle d’un animal soit grosso-modo liée la taille du cerveau.

4. Pourquoi la souffrance prédomine probablement sur le bonheur

Au regard des éléments que nous avons examinés ci-avant, nous pouvons logiquement conclure que la vie de la plupart des animaux (en excluant peut-être ceux qui ont une grande longévité) ne vaut sans doute pas la peine d'être vécue. Les animaux sauvages subissent le froid, la faim, les maladies, la peur des prédateurs et d'autres sources habituelles de stress. En outre, même si des animaux connaissent plus de bonheur que de souffrance sur une grande partie de leur vie, le solde global peut devenir négatif du fait d’une douleur intense au moment de la mort. La prédominance en résultat net de la souffrance dans la nature pourrait s’expliquer par le seul fait suivant : la quasi-totalité du bonheur et de la souffrance éprouvés dans la nature concerne des animaux dont la vie est très brève. Cette faible longévité s'explique par le fait que la plupart des animaux vivant dans la nature sont de petite taille (par ex. les vairons et les insectes). Leur longévité à l'âge adulte ne dépasse pas quelques années, voire quelques mois ou semaines. Dans ces conditions, le bonheur pendant la vie peut difficilement prédominer sur la douleur de la mort. De plus, pratiquement tous les bébés de ces espèces meurent (potentiellement douloureusement) quelques jours ou semaines après la naissance. Cette stratégie de reproduction, qui consiste à donner naissance à un grand nombre de jeunes qui connaîtront une vie courte, est appelée la « stratégie r »

Puisqu'ils ne peuvent donner naissance qu'à un enfant par saison de reproduction (sauf en cas de jumeaux ou d'autres cas inhabituels de bébés multiples), les humains n'appliquent pas cette stratégie. De leur côté, en une saison reproductive, les chiens (Canis familiaris) peuvent engendrer de 1 à 22 petits, les étourneaux (Sturnus vulgaris) peuvent pondre de 4 à 6 œufs, les grenouilles taureau (Rana catesbeiana) de 6 000 à 20 000 œufs, et les pétoncles (Argopecten irradians) environ 2 millions d’œufs. La plupart des petits animaux comme les vairons et les insectes appliquent la stratégie r. La sentience de toutes ces espèces n’est, certes, pas avérée – a fortiori l’éventuelle sentience des fœtus dans les œufs qui ne parviennent pas à l’éclosion (voir la partie suivante) – mais en termes de valeur attendue, la quantité de souffrance probable est énorme.

Les stratégies de reproduction utilisées impliquent donc souvent un haut taux de mortalité des jeunes. Fred Hapgood (1979, p. 34) explique le processus :

Toutes les espèces se reproduisent en excès, en dépassant la capacité maximale de leur niche. Au cours de sa vie, une lionne peut enfanter 20 lionceaux ; une pigeonne, 150 pigeonneaux ; une souris, 1000 souriceaux ; une truite, 20 000 truitons ; un thon ou une morue, un million de jeunes ou plus ; […] et une huître, peut-être plus d’une centaine de millions. Si la population de chacune de ces espèces reste environ la même de génération en génération, alors un seul jeune survivra pour remplacer un parent. Tous les autres milliers et millions d’individus mourront, d’une manière ou d’une autre.

En prenant en compte ces taux de mortalité, ainsi que l’hypothèse avancée plus haut selon laquelle les animaux qui décèdent peu après la naissance ressentent au total plus de souffrance que d’expériences positives, nous pouvons parvenir à la conclusion que la souffrance prédomine sur le bonheur dans la nature.

La stratégie visant à « créer beaucoup de copies en espérant que quelques-unes s’en sortent » a du sens sur le plan de l’évolution, mais son coût pour les individus animaux est immense. Matthew Clarke et Yew-Kwang Ng (2006, section 4) tirent la conclusion suivante d’une analyse concernant les implications pour le bien-être des dynamiques de population : « Le nombre de jeunes engendrés par une espèce qui maximise la valeur adaptative peut donner lieu à de la souffrance, et il est différent du nombre de jeunes d’une espèce qui maximise le bien-être (moyen ou total). » Et Yew-Kwang Ng (1995, 272) indique ceci concernant l’excès de descendants par rapport aux adultes en vie : « Selon les hypothèses des fonctions concaves et symétriques, qui relient les coûts au plaisir et à la souffrance, l’économie évolutive résulte en une valeur plus élevée pour la souffrance totale que pour le plaisir total. »

5. À partir de quand les bébés sont-ils sentients ?

Dans le point précédent, nous avons expliqué que chez les espèces à stratégie r, les parents peuvent enfanter des centaines, voire des dizaines de milliers de petits, qui meurent presque tous peu après la naissance. Nous avons également avancé que cette situation est à l’origine de souffrance nette dans la nature. Mais pour pouvoir affirmer cette conclusion, il convient de répondre aux questions suivantes : combien de ces nouveau-nés sont sentients au moment de leur mort, et combien périssent à l’état inconscient de larve ou d’œuf ?

Selon l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA, 2005, p. 37-42), l’âge à partir duquel les fœtus d’animaux deviennent sensibles à la douleur est différent selon qu’il s’agit d’une espèce nidifuge (les animaux sont bien développés à la naissance, comme par exemple les chevaux) ou d’une espèce nidicole (les animaux continuent de se développer à la naissance, comme c’est le cas des marsupiaux). Les animaux nidifuges sont plus susceptibles de ressentir tôt la douleur. Un autre critère est à chercher du côté du mode de reproduction : vivipare (par la mise au monde d’un petit vivant) ou ovipare (par la ponte d’œufs). Chez les animaux vivipares, il est davantage nécessaire d’inhiber la conscience du fœtus avant la naissance, afin d’empêcher des blessures pour la mère et pour les frères et sœurs. Ce besoin est moins présent chez les animaux ovipares, qui se développent dans une coquille. Le développement neural des oiseaux nidifuges se déroule plusieurs jours avant l’éclosion. On observe à ce moment des mouvements contrôlés du fœtus, ainsi que des réponses aux stimuli (Broom, 1981). L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA, 2005, p. 38) indique également :

Chez la plupart des amphibiens et des poissons, la forme larvaire n’est pas très développée à l’éclosion mais elle se développe rapidement lorsque l’animal est à l’état de vie indépendante[.] Chez les poissons et amphibiens qui sont bien développés à l’éclosion ou au moment de la naissance vivipare, ainsi que chez tous les céphalopodes, malgré leur petite taille, un système nerveux fonctionnel et le potentiel de conscience sont présents quelque temps avant l’éclosion.

Il apparaît donc que de nombreux animaux sont capables de souffrir au moment de la naissance, si ce n’est avant.

Citons cet autre élément qui soutient l’idée que des animaux ressentent la douleur avant la naissance : de nombreux vertébrés ovipares sont capables d’éclore de manière précoce, en réponse à des stimuli environnementaux tels que des vibrations qui s’apparentent à celles d’un prédateur. Des cas d’éclosion précoce ont également été observés chez des amphibiens, des poissons et des invertébrés (Doody et Paull, 2013).

Par conséquent, il est très probable qu’une part non négligeable du grand nombre de nouveau-nés d’espèces à stratégie r ressentent la douleur au moment de leur mort, même si celle-ci survient après quelques jours ou heures d’existence. Nous pouvons donc maintenir la conclusion que nous avions avancée concernant la prédominance de la souffrance.

6. Mauvaise évaluation du degré de bien-être ?

Évoquons maintenant le problème suivant : il n’est pas sans danger d’extrapoler le bien-être des animaux sauvages en essayant d’imaginer notre propre ressenti si nous étions à leur place. On sent nos os geler à l’idée même de passer une froide nuit d’hiver dehors avec seulement un sweat-shirt sur le dos. Mais beaucoup d’animaux sont pourvus d’une fourrure bien plus efficace, et sont capables de trouver une forme d’abri. Plus généralement, il est peu probable que les espèces obtiendraient un avantage évolutif en ayant constamment le sentiment de traverser de rudes épreuves ; le stress entraîne en effet des conséquences sur le métabolisme (Ng, 1995). Par ailleurs, une blessure donnée pourrait provoquer moins de souffrance chez des animaux à stratégie r que chez des animaux vivant longtemps, puisque les premiers ont moins à perdre en prenant de gros risques à court terme (Tomasik, [2013] 2015).

D’un autre côté, nous devons faire attention à ne pas sous-estimer – à cause de nos propres biais cognitif – la gravité de la souffrance que subissent les animaux sauvages. Vous, qui lisez cet article, êtes probablement assis à l’intérieur d’un bâtiment ou d’un véhicule climatisé, avec le ventre plein, et sans la crainte d’être attaqué par un prédateur. Beaucoup d’entre nous vivent leur vie avec un état d’esprit relativement stable. Or, nous avons vite fait d’imaginer que la plupart des autres humains et animaux cueillent avec la même légèreté les fruits de la vie. Lorsqu’on pense à la nature, on s’imagine souvent le chant des oiseaux ou les cabrioles des gazelles, et moins la chair des chevreuils déchiquetée à vif ou les ratons laveurs infestés de vers intestinaux. En outre, nous avons tendance à pratiquer une certaine « heuristique de disponibilité », qui se reflète d’ailleurs dans les exemples que nous venons de citer – dans la mesure où ils concernent de grands animaux terrestres. En réalité, les animaux sauvages sont majoritairement des petits organismes, dont beaucoup vivent dans les océans. Lorsqu’on parle des animaux sauvages, nous devrions avoir en tête (si nous adoptons une approche de « valeur attendue » par rapport aux incertitudes sur la sentience) les fourmis, les copépodes et les petits poissons, avant de penser aux lions et aux gazelles.

Les êtres humains auraient des difficultés à estimer précisément à un moment spécifique leur état émotionnel sur une période plus longue (Kahneman et Sugden, 2005). Nous avons tendance à enjoliver les événements futurs et passés : nous surestimons notre niveau de bien-être passé et futur par rapport à ce que nous ressentons réellement aux moments en question (Mitchell et Thompson, 1994). Et même quand des organismes vivants parviennent à évaluer correctement leur degré de bonheur, ils manifestent souvent une « volonté de vivre » qui est indépendante du plaisir ou de la douleur qu’ils éprouvent. L’explication est évolutionniste : confrontés à une vie qui ne vaut pas la peine d’être vécue, les animaux qui décident d’y mettre un terme ne vont pas beaucoup se reproduire.

Au bout du compte, et indépendamment de notre capacité ou non à bien nous représenter la vie à l’état sauvage, il est indéniable que beaucoup d’animaux dans la nature font face à des terribles souffrances.

7. Si la vie dans la nature est si difficile, pourquoi est-ce que les animaux ne se donnent pas la mort ?

On pourrait objecter que si la plupart des animaux endurent plus de souffrance que de bien-être, ils auraient des raisons de se donner la mort – ce qu’ils ne font pas. Il y a plusieurs réponses à cet argument.

La plupart des animaux ne connaissent pas la notion de suicide – Il se pourrait que la plupart des animaux (sauf peut-être les mammifères et les oiseaux les plus intelligents), malgré leur conscience émotionnelle, ne comprennent pas le concept de la mort. Pour utiliser une analogie, lorsque nous faisons des cauchemars, nous ressentons la sensation de malaise sans pour autant être tout à fait conscients que nous rêvons, et sans avoir suffisamment de contrôle pour nous réveiller volontairement. Nous pouvons raisonnablement penser que les animaux éveillés ont un plus grand contrôle sur leurs états physiques que nous n’en avons sur les nôtres lorsque nous dormons. Mais le point important est que les animaux peuvent ressentir des émotions sans pour autant comprendre les notions de vie et de mort.

Si la souffrance vient principalement de la mort, ils n’ont rien à y gagner – Les animaux n’ont à leur disposition aucun moyen indolore de se donner la mort. Et pendant leur courte vie, le moment le plus douloureux est peut-être leur mort. Par exemple, une grosse partie des 1000 petits que va mettre au monde un scarabée femelle succombent dans les quelques jours ou semaines suivant l’éclosion. Jusqu’au moment de leur mort, ils ne connaissent probablement pas plus la douleur que le bonheur ; un suicide à un jeune âge n’aurait donc pas beaucoup d’intérêt.

Perspective temporelle – Manquant de vision à long terme, les animaux ne parviennent souvent pas à satisfaire leur intérêt à obtenir du plaisir à longue échéance. Même si leur suicide était une bonne chose, ils ne se donneraient pas la mort car cela entraînerait une souffrance à court terme.

« Volonté de vivre » non hédonique – Les animaux semblent posséder une « volonté de vivre » partiellement distincte de leur état de bien-être hédonique. Les comportements des animaux sont le résultat d’un grand nombre de signaux et de systèmes cérébraux ; il n’est pas surprenant que certains d’entre eux aillent à l’encontre des systèmes de maximisation du bien-être hédonique. Si les animaux n’étaient pas mus par cette « volonté de vivre », ils ne pourraient sans doute pas survivre aussi efficacement.

Peu de suicides dans les élevages intensifs – Des animaux comme les poules élevées dans des cages de batterie auraient sans doute intérêt à se donner la mort. S’il arrivait aux animaux de se suicider pour échapper à des conditions de vie atroces, ce phénomène serait davantage observé dans les élevages intensifs.

Les grands animaux mènent une vie correcte – Enfin, notons que les animaux qui comprennent potentiellement le concept du suicide (comme peut-être les chimpanzés) mènent une vie qui peut être agréable sur une certaine durée. À l’inverse, les animaux qui connaissent principalement la souffrance - soit la majorité des espèces - ne sont pas en mesure de saisir le concept du suicide.

8. Les humains sont-ils impuissants ?

Pourquoi les défenseurs des animaux ne font-ils donc pas de la question de la souffrance des animaux sauvages leur priorité ? L’une des raisons est d’ordre philosophique. Beaucoup pensent que les humains ont le devoir de bien traiter les animaux qu’ils utilisent ou avec lesquels ils vivent, mais qu’ils n’ont aucune responsabilité envers ceux qui se trouvent en dehors de leur sphère d’interaction (Palmer, 2010). La réponse n’est cependant pas très convaincante. Si notre but est d’épargner aux animaux une vie de souffrance – et pas juste de laver notre conscience morale – le fait que nous ayons ou non un lien personnel avec les animaux sauvages n’est pas un critère pertinent.

Certains philosophes sont d’accord avec cette réflexion, mais ne recommandent pas une intervention humaine car ils pensent que nous ne sommes pas en mesure d’améliorer la situation. À la question de savoir si nous devrions empêcher les lions de manger des gazelles, Peter Singer (1973) a fourni la réponse suivante :

[P]our des raisons pratiques, je suis assez certain, considérant les tentatives antérieures de modeler la nature dans l’intérêt de l’homme, qu’interférer dans la vie sauvage provoquerait probablement une augmentation de la souffrance animale plutôt qu’une diminution. Les lions jouent un rôle dans l’écologie de leur habitat, et les empêcher de tuer des gazelles engendrerait des conséquences à long terme que nous ne pouvons connaître avec exactitude. [...] Donc, en pratique, je dirais que la vie sauvage devrait vraiment être laissée tranquille.

En réponse à Peter Singer, je soulignerai le fait que la plupart des interventions humaines n’ont pas eu pour but d’améliorer le bien-être des animaux sauvages, et que, malgré cela, elles ont probablement eu pour effet un abaissement de la souffrance des animaux sauvages, par une diminution des habitats.

Dans le même ordre d’idées que Peter Singer, Jennifer Everett (2001, p. 48) soutient que les conséquentialistes pourraient voir d’un bon œil la sélection évolutive puisque celle-ci élimine les traits génétiques délétères :

[S]i la propagation des gènes les plus « adaptés » contribue à l’intégrité à la fois des prédateurs et des proies, ce qui est bénéfique à l’équilibre prédateur/proie dans l’écosystème, ce qui à son tour est bénéfique aux organismes qui y vivent, et ainsi de suite, alors ces relations entre les êtres vivants que les écologistes holistiques estiment intrinsèquement importantes doivent également être prisées par les défenseurs des animaux, puisqu’elles contribuent au final, bien qu'indirectement et au moyen de chaînes complexes de causalité, au bien-être des animaux individuels.

Ces auteurs ont raison dans le sens où les conséquences écologiques sur le long terme sont à prendre en compte. Mais ça ne veut pas dire que les humains sont exemptés d’obligations à l’égard des animaux sauvages, ni que les défenseurs des animaux devraient se taire devant la violence de la nature. Les parties qui suivent présentent des manières d’agir réellement contre la souffrance des animaux sauvages.

9. Les humains ont déjà un impact sur la nature

Une intervention de notre part ne devrait pas se faire à la légère. L’écologie est une chose extrêmement complexe et, dans l’histoire de l'humanité, nous avons souvent sous-estimé le nombre de conséquences inattendues lors de nos tentatives d’améliorer la nature. D’un autre côté, l’intervention de l’être humain dans la vie sauvage est déjà une réalité dans de nombreux cas. Comme l’observe Tyler Cowen (2003, p. 10) :

Dans d’autres cas, que nous le voulions ou non, nous intervenons déjà dans la nature. La question n’est pas de savoir s’il faut s’abstenir d’agir par manque de certitude, mais plutôt de savoir comment comparer une forme d’action à une autre. Les humains modifient les niveaux d’eau, fertilisent certains sols, influent sur les conditions climatiques et réalisent beaucoup d’autres actions qui ont un impact sur les rapports de forces dans la nature. Ces activités humaines ne risquent pas de disparaître de sitôt. Et tant qu’elles existent, nous devons évaluer leurs effets sur les animaux carnivores et leurs victimes.

Une évaluation de ce type a déjà été conduite en Australie, suite à une décision gouvernementale de tuer les kangourous qui étaient présents dans le périmètre d’une base militaire nationale, et qui se trouvaient dans un état de surpopulation et de famine (Clarke et Ng, 2006). Même si cette analyse était plutôt sommaire et théorique, elle a démontré qu’il était possible de combiner les outils de l’économie du bien-être et les principes de la démécologie (l’écologie des populations) afin d’étudier efficacement l’impact d’une intervention humaine sur le bien-être de l’ensemble des animaux.

Examinons l’autre exemple suivant. L’être humain épand trois milliards de tonnes de pesticides par an (Pimentel, 2009). Qu’elle diminue ou augmente la souffrance des animaux sauvages, l’utilisation à grande échelle d’insecticides est en tout cas une réalité dans nos sociétés. Si un jour, les scientifiques parvenaient à développer une version de ces produits chimiques qui agissait plus rapidement et qui provoquait moins de souffrance, un nombre gigantesque d’insectes et de petits organismes connaîtraient une mort moins atroce1.

L’activité humaine occasionne des modifications de l’environnement : agriculture, urbanisation, déforestation, pollution, changement climatique, etc. Ces changements engendrent à leur tour de grandes conséquences, négatives ou positives, pour les animaux sauvages. Par exemple, la création d’un parking empêche l’existence d’animaux à cet endroit. Et même sans qu’il y ait destruction d’un habitat, la présence des humains peut modifier la variété des espèces qui y vivent. Si, par rapport à son équivalent endémique, une espèce invasive a une espérance de vie plus courte ainsi que davantage de petits mourant à un jeune âge, la somme de la souffrance sera plus élevée. La situation inverse peut évidemment se produire également.

Il convient de distinguer d’une part la volonté d’éviter la souffrance des animaux sauvages et, d’autre part, la promotion de la préservation de l’environnement. Dans certains, voire de nombreux cas, empêcher l’existence de la vie pourrait en effet très bien être la solution la plus éthique. Un végétarien conséquentialiste devrait être d’accord avec cette position :

L’argument utilitariste contre l’élevage intensif est précisément qu’il serait préférable pour les poulets de chair de ne pas venir au monde, plutôt que de vivre 45 jours de souffrance, entassés les uns sur les autres, avant d’être abattus. Dans l’évaluation des effets de l’adoption d’un régime végétarien, l’impact sur les animaux dans la nature peut être important, voire supérieur aux effets directs sur les animaux en élevage eux-mêmes. (Matheny et Chan, 2005).

Mais ne soutenons pas trop vite l’idée qu’il faille aller détruire des écosystèmes. Gardons en tête que beaucoup de personnes sont attachées au concept de la vie sauvage. Ce n’est jamais une bonne idée de se faire des ennemis, ni de faire du tort à la cause de la réduction de la souffrance, en la présentant avec des idées qui vont directement à l’encontre des choses auxquelles les gens tiennent. Par ailleurs, certains aspects de la protection de l’environnement, et plus spécialement la lutte contre le changement climatique, pourraient se révéler importants à long terme, en augmentant les chances d’un compromis parmi les grandes puissances mondiales qui travaillent à l’élaboration d’une intelligence artificielle forte.

10. Programme de recherche

Nous l’avons vu, la souffrance des animaux sauvages est une problématique qui mérite un programme de recherche sérieux, qui prendra en compte des questions telles que les suivantes :

  1. Quels animaux sont sentients ? Quelles probabilités subjectives raisonnables doit-on attribuer à la sentience des reptiles, des amphibiens, des poissons et des nombreux invertébrés ?
  2. Quels sont les états affectifs d’un animal sentient au cours de sa vie dans la nature ? À quelle fréquence éprouve-t-il les sensations de faim, de froid, de peur, de bonheur, de satisfaction, d’ennui et de douleur intense ; et à quel degré ? À l’avenir, il sera peut-être possible de répondre à cette question avec une grande précision, grâce à des appareils portables, enregistrant et mesurant en continu les corrélats neuronaux. En attendant, l’utilisation des outils standards pour évaluer le bien-être animal offre également de très bons résultats (Broom, 1991).
  3. Les animaux de telle ou telle espèce ressentent-ils plus de bonheur ou de souffrance ? Une grande longévité ou, au contraire, une mort avant l’âge de maturité a-t-elle une influence sur ce ratio bonheur/souffrance ?
  4. Certaines espèces sont-elles plus heureuses que d’autres ? La souffrance est-elle davantage présente dans certains types d’écosystème ? Quelles sont les mesures de protection de l’environnement qui dégradent le bien-être animal net ? Et quelles sont celles qui l’améliorent ? Existe-t-il des technologies qui, à long terme, nous permettront de réduire fortement la souffrance des animaux sauvages ?

11. Technologies de pointe ?

À l’heure actuelle, l’espèce humaine ne dispose pas des connaissances ni des moyens techniques permettant de « résoudre » réellement le problème de la souffrance des animaux sauvages en évitant les conséquences désastreuses que pourraient engendrer une intervention. Mais cette situation pourrait changer à l’avenir, à mesure que nous approfondirons notre connaissance de l’écologie et notre évaluation du bien-être des animaux.

Si la sentience n’est pas un phénomène rare dans l’univers, alors le problème de la souffrance des animaux sauvages ne se limite pas à notre planète. Il est peu probable que la vie évolue vers le type d’intelligence dont les humains disposent ; les chances sont donc grandes que la vie extraterrestre prenne surtout la forme des êtres les plus petits et à la plus faible longévité que nous connaissons sur Terre. Si un jour, nous envoyons des sondes robotiques dans l’espace, elles pourraient s’avérer très utiles pour réduire la souffrance des animaux sauvages sur d’autres planètes. (Espérons qu’aucun écologiste ne s’opposera alors à une intervention dans les écosystèmes extraterrestres.)

Notons cependant qu’une intensification des progrès technologiques en général n’est pas forcément souhaitable. Surtout en matière d’intelligence artificielle et de neuroscience : des progrès plus rapides pourraient augmenter le risque de souffrances d’autres types. En termes heuristiques, il serait probablement préférable d’attendre que l’espèce humaine dispose des institutions sociales et de la sagesse nécessaires avant de développer de nouvelles technologies lui donnant accès à des capacités bien supérieures.

12. Multiplication involontaire de la souffrance

Si les futures technologies de pointe ont le potentiel de venir en aide aux animaux sauvages, elles posent également le risque d’une augmentation de la souffrance. Par exemple, nous pourrions être un jour capables de reproduire sur Mars des conditions environnementales similaires à celles présentes sur Terre, grâce à ce qu’on appelle la « terraformation » (Burton, 2004). De façon plus spéculative, certains auteurs ont proposé l’idée d’une « panspermie dirigée » qui consiste à envoyer des sondes dans la galaxie afin d’ensemencer d’autres planètes et d’y introduire la vie (Meot-Ner et Matloff, 1979) ; ou celle des simulations informatiques post-humaines, qui pourraient évoluer d’une manière si précise que la vie animale sauvage qu’elle contiendrait, deviendrait consciemment sensible à la douleur. Il existe déjà un grand nombre de modèles de simulation de la sélection naturelle. Un jour ou l’autre, ils seront amplifiés par l’ajout d’une intelligence artificielle, donnant aux organismes impliqués la capacité de la sentience. Ils ressentiraient alors littéralement la douleur et la mort. Si elles se concrétisaient, ces éventualités s’accompagneraient d’implications éthiques monumentales, et j’espère que nos descendants en mesureront sérieusement les conséquences pour les êtres concernés avant leur mise en œuvre.

13. Sensibilisation par les militants

Quelles sont les implications de tout ce qui précède pour le mouvement de défense des animaux ? Si l’on veut parvenir à une réduction de la souffrance des animaux sauvages, la première étape est sans doute de mettre cette cause en avant. La problématique devrait être un sujet de préoccupation pour davantage de personnes. D’une part, cela accélérerait la recherche sur le bien-être des animaux sauvages et sur les technologies qui s’y rapportent et, d’autre part, cela garantirait une prudence et une réflexion des générations futures à l’égard d’actions qui pourraient créer un bien plus grand nombre d’organismes sentients.

Un bon point de départ serait peut-être de trouver des alliés parmi la communauté des défenseurs des animaux. Il est vrai que certains militants s’opposent à toute forme d’intervention dans le monde des autres animaux, jusqu’à parfois souhaiter que l’être humain disparaisse. Cependant, l’idée de lutter contre la souffrance dans la nature devrait être bien accueillie par les nombreuses personnes qui ressentent de l’empathie pour les membres d’autres espèces. Le danger à éviter est que le mouvement des droits des animaux finisse par promouvoir la préservation de la vie sauvage et par condamner toute forme d’intervention. Des alliés pourraient également être trouvés parmi les personnes qui s’intéressent à l’évolution des espèces, et qui voient dans la sélection naturelle une « indifférence aveugle et impitoyable », pour reprendre l’expression de Richard Dawkins (1995, p. 133).

Au niveau individuel, beaucoup de choses peuvent être faites pour mettre la thématique en avant. Comme par exemple (i) publier des messages dans des forums consacrés aux droits des animaux ou dans des commentaires d’articles, (ii) participer à des rencontres ou des événements sur les droits des animaux, et demander aux participants ce qu’ils en pensent, (iii) rédiger des communications de colloques, des articles de journaux ou des livres sur le sujet (éventuellement co-signés par des écologues, des éthologues ou d’autres scientifiques, pour éviter un effet « philosophie de comptoir ».

D’un autre côté, il est peut-être dangereux d’évoquer la cause des animaux sauvages avant que le grand public ne soit prêt à l’entendre. Souvent, les consommateurs de viande invoquent en effet l’argument de la violence de la nature, sous la forme d’un raisonnement par l’absurde, à l’encontre du végétarisme conséquentialiste. Il est possible qu’en suggérant l’idée que notre considération éthique pour les animaux devrait aussi impliquer d’investir des ressources dans une recherche de long terme sur une aide en faveur des espèces sauvages, on finisse par détourner complètement des personnes de la cause des animaux, alors que ces personnes auraient pu sinon réfléchir aux animaux qu’elles affectent par leurs choix alimentaires (Greger, 2005). Il convient donc de démarrer un travail de sensibilisation sur la souffrance des animaux sauvages en ciblant les milieux les plus réceptifs, comme ceux des philosophes, des militants animalistes, des transhumanistes et des scientifiques. Nous pouvons planter les graines de cette réflexion, pour qu’elle devienne une composante du mouvement pour les droits des animaux. Un message préconisant de « ne pas multiplier la souffrance en répandant des animaux sauvages dans l’espace » pourrait même se faire entendre dans des médias comme TED ou Slate, justement parce qu’il s’agit d’une idée sujette à controverse que les gens n’ont pas encore entendue. Ce genre de public pourrait recevoir un tel message avec moins de résistance, puisqu’il ne viendrait pas perturber ses habitudes.

À un certain moment, le mouvement pour les animaux devra aller plus loin que les thématiques de l’élevage, des laboratoires et des animaux de compagnie. C’est crucial. La nature est un lieu où se produit une violence qu’on ne peut ignorer. Les humains ont l’obligation d’utiliser leur position singulière dans l’univers, en tant qu’êtres doués d’intelligence et d’empathie, pour réduire, autant qu’ils le peuvent, la souffrance des animaux à l’état sauvage.

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Notes

  1. Notons que les pesticides pourraient en fait réduire la souffrance nette des insectes, dans le cas où ils diminueraient suffisamment la population d’insectes. Encourager l’utilisation d'insecticides provoquant moins de souffrance n’équivaut donc pas à encourager une diminution de l’utilisation de pesticides.