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Cahiers antispécistes n°29 - Février 2008

La réglementation protégeant les animaux dans les élevages

La réglementation protégeant les animaux d'élevage est sous-tendue par la reconnaissance de leur sensibilité [1], c'est-à-dire de leur capacité à ressentir le plaisir, la souffrance, des émotions. En France, c'est l'article L214 du code rural [2] (codification d'une loi de 1976) qui mentionne leur caractère d'êtres sensibles.

Un aperçu de la réglementation

Globalement, les avancées réglementaires sur la protection des animaux dans les élevages sont avant tout le fait de l'Union européenne. La France a plutôt tendance à freiner les évolutions positives proposées dans le secteur de l'élevage.

Au niveau européen, c'est la Direction Générale « Santé et Protection des Consommateurs [3] » (DG SANCO) qui a en charge l'évolution de la réglementation sur la protection des animaux dans les élevages [4]. La DG SANCO propose des textes (directives ou règlements) qui sont ensuite discutés au Parlement européen. La décision finale revient au Conseil des ministres de l'Agriculture. Ensuite, les pays de l'Union européenne transposent (pour les directives) ou appliquent directement (pour les règlements) cette réglementation dans le droit national.

Il existe un règlement sur la protection des animaux pendant le transport. C'est peut-être le domaine dans lequel il y a eu le plus d'avancées. Voici les principaux points à retenir :

- Les bétaillères doivent être équipées pour le transport des animaux. Les sociétés qui veulent transporter des animaux vivants doivent avoir une autorisation délivrée par la Direction des Services Vétérinaires de leur département (DDSV) qui va vérifier la conformité des véhicules.

- Pour les transports de plus de 8 heures (longue durée), il faut que les camions soient équipés d'un système de ventilation et d'un système d'abreuvement.

- Il y a des limites de densité à l'intérieur des camions et des temps de repos à respecter [5].

Il existe une directive sur l'abattage des animaux. Outre des considérations générales sur l'obligation de ne pas faire souffrir les animaux dans toutes les opérations d'amenée et de mise à mort, cette directive impose l'étourdissement des animaux avant l'abattage (avec une dérogation à cette règle pour l'abattage rituel). Cette réglementation est en cours de révision [6].

Il existe une directive sur les conditions d'élevage des poules pondeuses [7]. Pour l'élevage en cage, la surface minimale par poule est de 750 cm2, soit la surface d'une feuille A4 et d'une carte postale. Cette avancée « magistrale » a été obtenue en 1999 et ne sera applicable à tous les élevages qu'en 2012… Pour le moment, la surface minimale autorisée est celle d'une feuille A4.

Il existe une directive sur les conditions d'élevage des cochons [8]. L'avancée majeure qu'elle apporte est que les truies reproductrices devront être élevées en groupe pendant une partie de leur période de gestation. (Actuellement, beaucoup d'entre elles – la majorité en France – sont enfermées en stalles individuelles pendant la totalité de la gestation.) Application en 2013 pour un texte adopté en 2001...

Il existe une directive sur les conditions d'élevages des veaux [9]. Une avancée importante est que depuis le 1er janvier 2007, les veaux doivent être élevés en groupe à partir de leur huitième semaine. Jusqu'ici, ils pouvaient être enfermés dans des cases individuelles si étroites qu'ils ne pouvaient même pas se retourner.

Il existe une directive sur les conditions d'élevage des poulets [10] élevés pour la viande : c'est la dernière directive obtenue. Elle ne fait qu'entériner les pratiques d'élevage intensif. Les limites de densité imposées par ce texte correspondent à celles qui sont pratiquées habituellement en France (à peu près 20 poulets par m2), limites à appliquer en 2010... C'est tout de même une base qui pourra évoluer dans le futur. Avant l'adoption de ce texte, il n'existait aucune réglementation dans ce domaine alors que presque 800 millions d'oiseaux sont concernés chaque année en France !

Des progrès réglementaires lents et limités

La réglementation est très insuffisante pour garantir une protection minimale des animaux dans les élevages, dans les transports et dans les abattoirs.

• Soit la réglementation n'est pas respectée. Un exemple : en France, plus de 80% des canards sont gavés dans des cages individuelles de batterie, alors que ces cages devraient être interdites pour les nouvelles installations depuis 2004 et interdites pour toutes les installations en 2010. Le gouvernement français à décidé de ne pas appliquer un texte qui pourtant engage la France [11].

• Soit, pour certaines filières, la réglementation est tout simplement inexistante (élevage des bovins, élevages des lapins, élevage de toutes les volailles autres que les poules et les poulets, élevage et pêche des poissons…).

Et même quand la réglementation existe et qu'elle est respectée, le plus souvent elle ne fait qu'apporter des aménagements marginaux aux pratiques de l'élevage intensif. Il reste permis de garder des poules pondeuses plus d'un an dans des cages exiguës, et de leur épointer le bec pour éviter le cannibalisme ; il est permis de castrer les porcelets et de leur couper la queue à vif, etc. Il y a des petites avancées, mais elles sont très longues à obtenir parce que les filières font tout pour vider les textes proposés par la Commission européenne de leur contenu. Généralement, le ministère de l'Agriculture français est très actif pour lutter contre les textes de protection animale.

D'autres voies pour amenuiser la souffrance dans les élevages

Aujourd'hui, les associations de protection des animaux d'élevage se focalisent de plus en plus sur les réseaux de distribution afin de réaliser des avancées plus rapides. En Belgique, des associations de protection animale obtiennent que des enseignes de la grande distribution s'engagent à ne plus vendre d'oeufs issus de poules de batterie ; en Allemagne, des associations obtiennent que des enseignes arrêtent de commercialiser de la viande de lapins issus de l'élevage intensif en cage. Au Royaume-Uni, des magasins de luxe (House of Fraser), de grande distribution traditionnelle (Waitrose, Sainsbury's) et de hard discount (Lidl) ont décidé récemment de ne plus vendre de foie gras ; dernier en date : le grossiste Metro dans ses 33 magasins (Makro) du Royaume-Uni.

Autre voie empruntée par des associations : inciter les consommateurs à refuser les produits d'origine animale ou, à défaut, à consommer moins de viande, lait et oeufs et à choisir des produits assortis de labels [12], de façon à privilégier les élevages où les conditions de vie sont moins mauvaises.

En attendant l'abolition de la viande...

[1] Sébastien Arsac est président de l'association L214. On peut découvrir l'activité de cette association à travers son site : http://www.L214.com [NdlR].

[12] Tels que Bio ou Label Rouge en France.

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