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Cahiers antispécistes n°26 - novembre 2005

La création

Ce texte est emprunté au site Au pays d’Utopie où l’on peut

lire d’autres contes et poèmes de Corinne Bordonove.

La Rédaction

Au commencement, la terreur et la haine imprégnaient la terre, et la main de l'homme était rouge de sang. Les ténèbres de la mort voilaient la face du ciel.

Mais un jour, un homme se leva et dit : « Que la lumière soit ! » Et la lumière fut. Et dans cette lumière l'homme vit tout ce que l'obscurité lui avait masqué : les multiples souffrances des êtres. L'homme vit que la lumière était nécessaire, et demeurant en elle, il se sépara de l'obscurité. Il y eut un soir, il y eut un matin : premier jour.

L'homme dit : « Qu'il y ait une clôture au milieu de la terre, et qu'elle me sépare de ceux qui chassent les bêtes sauvages ». Ainsi en fut-il. De partout vinrent chevreuils, biches, oiseaux, toutes bêtes des forêts et des champs, en quête de refuge. Il y eut un soir, il y eut un matin : deuxième jour.

L'homme dit : « La terre est recouverte de verdure et d'arbres fruitiers de toutes sortes, qui portent en eux leurs semences : ce sera ma nourriture ». L'homme ouvrit grandes les portes des clapiers, des hangars et des étables. Veaux, vaches, toutes bêtes domestiques, il les libéra, et il vit que cela était bon. Il y eut un soir, il y eut un matin : troisième jour.

L'homme dit : « Que les eaux où l'on pêche s'amassent entre elles et s'éloignent à jamais ». À peine en fut-il ainsi que saumons, truites, grenouilles, toutes bêtes aquatiques, accoururent par milliers. L'homme vit que cela était très bon. Il y eut un soir, il y eut un matin, quatrième jour.

L'homme dit : « Les poussins naissent et grandissent dans les œufs, sous l'œil attentif des poules, leurs mères. Qu'il en soit ainsi ! » L'homme déposa dans le nid l'œuf qu'il avait en main, et il vit que cela était bon. Il y eut un soir, il y eut un matin : cinquième jour.

L'homme dit encore : « Arracherais-je un veau de la mamelle qui le nourrit, moi qui ne suis plus un enfançon ? » L'homme flatta de la main le cou robuste de la vache, et il vit que cela était vraiment très bon. Il y eut un soir, il y eut un matin, sixième jour.

L'homme pensa avoir achevé le septième jour l'œuvre qu'il avait faite, et il s'assit pour la contempler. Alors l'homme maudit le septième jour car il avait achevé son œuvre et pourtant, la souffrance des êtres demeurait, criante, insoutenable.

« Tout ce que j'ai créé par mon action est insuffisant », pensa-t-il, et il pleura.

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