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Cahiers antispécistes n°30-31 - Décembre 2008

Fondements éthiques pour une alimentation végétarienne

Un livre d’Helmut Kaplan


par

Vous cherchez un nouveau livre de référence dans la lutte pour les droits des animaux ? Alors, Fondements éthiques pour une alimentation végétarienne [1] est pour vous. Écrit par Helmut F. Kaplan, philosophe et écrivain, cet ouvrage est un recueil de textes écrits séparément, chacun porteur de sa propre unité de sens. Chaque texte peut donc être lu indépendamment des autres et l'ordre de lecture n'a pas d'importance, ce qui donne au livre une souplesse appréciable. Les inévitables redites qui en découlent ne sont pas forcément malvenues, car, pour peu que le lecteur soit très ordinairement emprunt de l'idéologie dominante spéciste et anthropocentrique, il éprouvera probablement quelques difficultés à admettre :

  • que les conditions d'élevage des animaux destinés à nourrir les humains s'apparentent à de la torture, que le fait de tuer lesdits animaux constitue un meurtre, et que les personnes qui actionnent le pistolet ou le couteau sont des meurtriers... nous ajouterons que celles et ceux qui mangent la chair des victimes sont leurs complices...
  • que dès leur plus jeune âge, les enfants sont dressés et conditionnés à consommer la chair d'animaux tués pour être mangés, et que la consommation de viande « est le fondement psychologique à toute pratique spéciste »...
  • que consommer de la viande relève à la fois de la folie et du crime...
  • que jusqu'au jour d'aujourd'hui, l'humanité a bâti sa fameuse dignité uniquement en rabaissant tous les autres animaux – en effet, l'exploitation forcenée des plus faibles, en l'occurrence des animaux non humains, n'a pas de quoi nous rendre particulièrement dignes, bien au contraire.

Oui, notre lecteur risque d'avoir du mal à admettre tout cela, car outre son imprégnation spéciste et anthropocentrique, l'industrie de la viande est une machine tellement énorme, tellement parfaitement réfléchie et systématique, qu'elle arrive à en paraître paradoxalement totalement anodine et normale. Chaque année dans le monde, plus de cinquante milliards d'animaux - sans compter les centaines de millions de poissons et d'invertébrés – sont assassinés pour notre unique plaisir gustatif – et en plus du sang versé, nous payons un prix exorbitant en termes de santé, d'environnement et de gaspillage. Mais nous continuons à manger de la viande.

Helmut F. Kaplan dénonce d'ailleurs l'invraisemblable pollution et gaspillage de nourriture et d'énergie que représente l'élevage des animaux pour le commerce de la viande, en relevant par exemple que « c'est comme si nous transportions nos aliments au moyen de camions qui perdraient 90 % de leur chargement entre le lieu de production et le lieu de consommation. » (p. 89) Il analyse également les motivations des écologistes ayant pour objectif de défendre des espèces animales, et les différencie avec raison des motivations des personnes qui luttent pour les animaux en tant qu'individus. Et il répond avec justesse aux remarques éculées du genre : « Les humains d'abord ! », « Du point de vue biologique, l'homme n'est pas végétarien », « Comment savons-nous que les animaux souffrent ? », et l'incontournable « Les animaux se mangent bien entre eux. »

L'auteur se penche également sur les modes d'action des mouvements pour la protection des animaux et pour les droits de l'animal. Quel(s) objectif(s) faut-il poursuivre ? Vaut-il mieux utiliser des méthodes modérées ou bien radicales ? Si ces questionnements difficiles sont peut-être trop succinctement analysés, nous retiendrons surtout qu'à « chaque instant et sur tous les plans, nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour en finir avec l'ignominie. » (p. 129)

Kaplan développe la question de la sentience animale, combinant arguments théoriques et données issues de l'observation pour montrer qu'on ne peut nier que les animaux ont une vie psychique si l'on admet que les humains (autres que nous-même) en ont une. Il constate en effet que « de façon sous-jacente et inavouée », l'idéologie selon laquelle les animaux sont des automates inconscients « continue à exercer une influence aussi considérable que funeste » (p. 38).
L'auteur n'hésite pas à démonter son confrère Klaus Meyer-Abich, qui a la faiblesse (ou la malhonnêteté ?) intellectuelle de ne pas parvenir à distinguer une plante d'un animal. Pourtant, la différence entre un haricot et une poule, ou des ronces et un veau, semble tout de même perceptible.

Dans la préface, André Méry relève à quel point Kaplan « éprouve au plus profond de ses fibres » l'horreur du massacre des animaux. C'est sans doute pour cela, et aussi parce qu'elle est éthiquement indéfendable, que l'auteur dénonce sans complaisance cette horreur : « Il n'y a plus qu'une issue à ce grave problème moral ; il faut mettre un terme à ces contorsions intellectuelles grotesques visant à justifier moralement la scandaleuse inégalité de traitement entre nos papilles et les animaux, et les souffrances que nous faisons subir à ces derniers doivent cesser. » (p. 91) Puisse-t-il être entendu...

[1] Helmut F. KAPLAN, Fondements éthiques pour une alimentation végétarienne, traduit de l'allemand par Cyril Taffin de Tilques, Paris, L'Harmattan, 2008 (coll. Questions contemporaines), 183 p., 17 €. ISBN : 978-2-296-05826-2

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