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Cahiers antispécistes n°21 - février 2002

États de conscience

Nous reproduisons ci-dessous un mél posté par Sylvain G. sur la liste « Végétarien » le 26 juillet 2001.

La rédaction

Alors que je passais de chaîne en chaîne, je suis tombé sur un reportage, diffusé par ARTE sans doute, étant donné la tonalité « culturelle » du contenant. Le veau est allongé dans un bac (solidement attaché bien sûr). Le saigneur arrive avec un couteau à la main, désinvolte, en train de rigoler avec les autres saigneurs occupés sur d'autres veaux. De quoi parlent-ils ? Des vacances en famille ? D'une nana qu'ils ont draguée la veille ? En attendant, il commence à couper purement et simplement la tête du veau, comme ça, plutôt doucement, totalement à vif bien sûr. Le veau est pris de convulsions et le commentateur de dire qu'il s'agit de mouvements végétatifs. L'autre continue avec le geste blasé de celui qui a fait ça mille fois, en regardant à peine ce qu'il fait. Il finit par avoir la tête du veau en main, les oreilles bougent encore un peu, le corps aussi. Il balance la tête dans le fond de l'atelier où elle va en rejoindre 6 ou 10 autres. La scène est relativement brève, mais hallucinante. J'ai fait un effort pour ne pas zapper instantanément, de manière à comprendre le but de cette diffusion. Ensuite on voit l'auteur de ce reportage la mine douce, presque le sourire aux lèvres, expliquer que la réalité est toujours belle, et que filmée sans détour elle ressort telle qu'en elle-même. Là j'ai zappé ! Peut-être aurais-je dû insister. Mais voir et entendre cela était tellement surréaliste ! Là, pas de fiction à l'Almodovar, juste la banale activité quotidienne d'un bon père de famille. En cherchant le sommeil après ces images terribles, je me souvins comme si c'était hier d'un camarade d'école lorsque j'avais 10 ou 11 ans. Il était discret, gentil et un peu renfermé. J'avais de la sympathie pour lui, nous nous amusions parfois ensemble. Un jour, je lui ai demandé : « Il fait quoi ton père ? » et ce copain de me répondre : « il est saigneur ». « Il est seigneur ? Il a un château ? » ; « Non, il est saigneur à l'abattoir de Gerland ». Je ne savais pas vraiment de quoi il pouvait bien s'agir, mais j'ai confusément compris qu'il s'agissait de tuer des animaux et que mon copain avait honte de parler de ça. Cette chose me semblait tellement terrible pour tous, les animaux, son père et lui ! Je ne voulais pas humilier mon copain, alors je n'ai rien répondu. Bien plus tard, alors que j'étais au collège agricole, on nous a conduits visiter ce fameux abattoir de Gerland. J'ai cru mourir ; j'ai été obligé de sortir avant de vomir et de tomber au sol. Après mon brevet de technicien agricole, à la recherche d'un emploi, on m'a proposé de travailler dans une animalerie. Naïf, j'étais tout heureux ! Mais lorsque le responsable du laboratoire m'a expliqué au téléphone qu'il s'agissait de travailler sur des lapins pour tester des cosmétiques, j'ai balbutié quelques mots rapides pour couper court…

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