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Cahiers antispécistes n°20 - août 2001

Manifeste pour les vaches


par
Traduit de l’espagnol par Estiva Reus

Face à la polémique sociale engendrée par la découverte du mal connu du grand public sous la dénomination  » maladie de la vache folle  » – polémique qui a été exclusivement canalisée vers les conséquences possibles de cette situation pour les êtres humains – l’organisation animaliste ATEA désire exprimer ce qui suit.

Une analyse objective et impartiale de la situation dont souffre aujourd'hui le cheptel bovin exploité par l'espèce humaine, nous conduit inévitablement à la conclusion que cette activité cause une quantité énorme de souffrance chez une multitude d'êtres innocents, de façon gratuite et pour des motifs exclusivement économiques, au mépris de leurs droits les plus élémentaires, en particulier ceux se rapportant tant à la vie qu'à l'intégrité physique et émotionnelle.
En effet, comme dans beaucoup d'autres situations de violence envers les animaux, les vaches sont soumises à un régime d'esclavage où tout est subordonné à la rentabilité économique. Ainsi, elles sont traitées comme de simples moyens de production au lieu d'être considérées comme ce qu'elles sont en réalité : des êtres sensibles, des vertébrés et des mammifères comme les humains, dotés s'un système nerveux pour l'essentiel identique au nôtre.

Les femelles sont constamment inséminées, et leurs enfants leurs sont arrachés peu de jours après la naissance, provoquant de part et d'autre un terrible sentiment d'angoisse, en raison des forts liens affectifs qui les unissent. Les jeunes veaux sont alors enfermés dans des compartiments minuscules, dans lesquels il est fréquent qu'ils ne puissent même pas se retourner. Ils sont ainsi en permanence frustrés de la satisfaction de leurs instincts naturels, tels que courir, jouer, ou chercher la présence physique et affective de leur mère. Ils reçoivent une alimentation déficiente pour que l'aspect de leur chair satisfasse les préférences esthétiques des consommateurs. La réalité, c'est que l'industrie de l'élevage transforme la vie de ces malheureux animaux en une expérience misérable.

Leurs mères n'ont pas un sort plus enviable. Le lait, qui par nature était destiné aux veaux, leur est soutiré de force au moyen de divers engins mécaniques qui provoquent de constantes irritations mammaires. L'obsession de la société industrialisée pour les produits laitiers est telle que la sélection génétique a réussi à créer des animaux aberrants, ayant de sérieuses difficultés à marcher en raison de la taille de leurs mamelles.

Les vaches seront exploitées sans répit tant qu'elles donneront les résultats économiques prévus par l'entreprise. Quand elles cesseront de le faire, on les enverra simplement à l'abattoir. Ces lieux sinistres sont, en pratique, d'authentiques centres d'extermination massive où les victimes perçoivent la terreur et l'angoisse de leurs compagnes, étant manipulées sans la moindre compassion. Les lois protectrices qui en théorie s'efforcent d'éviter qu'elles ne souffrent dans leurs derniers instants sont, presque toujours, de simples normes de propagande destinées à anesthésier la conscience des citoyens. Le sens commun nous dit qu'il est tout simplement impossible de donner la mort à des centaines, et parfois à des milliers d'animaux en une seule matinée, sans leur causer une souffrance indicible.

La situation du cheptel bovin exploité pour la viande et le lait est actuellement un véritable holocauste, difficilement justifiable d'un point de vue éthique.

Cette immense tragédie est cependant délibérément et en permanence passée sous silence par les autorités, les entreprises exploitantes, les syndicats et les médias, dans un exercice inacceptable d'insensibilité. Comme si cela ne suffisait pas, nous observons le style frivole sans cesse employé à propos de ce drame. Les chaînes de télévision nous offrent des images d'animaux malades, moribonds, ou suspendus aux chaînes de sacrifice, pendant que des litres de sang encore chaud s'écoulent du cou qu'on vient de sectionner. Il est particulièrement révélateur de voir des éleveurs et des consommateurs exiger avec véhémence le respect de " leurs droits ", sans même se poser la question de la légitimité morale de leur conduite.

Et que dire des vétérinaires dans toute cette histoire ? Il est incompréhensible que les citoyens en général continuent à associer cette profession à un sentiment " d'amour pour les animaux ", alors que la réalité crue nous montre que l'immense majorité de ces professionnels sont, en pratique, des éléments indispensables de processus de production aux conséquences dévastatrices pour leurs victimes.

La polémique tourne uniquement autour des effets que cette " crise " pourrait avoir dans la sphère humaine, dans des domaines tels que la santé, l'économie ou la politique, exagérant de la sorte notre rôle de victime et passant sur la pointe des pieds sur celui de bourreaux.

Ainsi, le fait qu'après avoir accepté ce crime massif comme une chose naturelle et souhaitable, nous nous préoccupions seulement des conséquences que pourraient avoir pour nous la consommation de ses restes, ne révèle rien d'autre qu'un égoïsme collectif insultant.

La " maladie " des vaches existait bien avant l'apparition de l'encéphalopathie spongiforme bovine. La véritable " maladie " des vaches c'est l'être humain qui les exploite sans pitié et les utilise de façon mercantile.

La façon dont ce thème est abordé dans les médias mérite qu'on s'y arrête, car elle révèle à quel point nous en somme arrivés à mépriser la souffrance non humaine : on évoque constamment la polémique au moyen de phrases à double sens, de commentaires humoristiques et de blagues faciles. En réalité, il n'est pas plus offensant de qualifier de fou un être humain affligé d'un handicap mental sévère qu'un animal malade.

D'autre part, la diffusion dans la presse et à la télévision d'images montrant des vaches tremblantes, agonisantes, incapables de conserver leur équilibre, ou des veaux terrorisés au milieu d'une salle de dépeçage, accompagnées de simples commentaires sur des pertes économiques, s'avère réellement obscène.

Il va sans dire que l'autorité morale de ceux qui acceptent ce type de situations et qui s'indignent d'autres phénomènes de violence humaine se trouve, pour le moins, sérieusement entamée.

Selon nous, il ne s'agit pas tant de mettre en question le type d'alimentation fourni au bétail ou la quantité d'antibiotiques que nous lui administrons que de mettre en question l'élevage en tant que tel, étant donné qu'il est clairement incompatible avec le respect des droits fondamentaux des animaux, et qu'il s'appuie sur l'ancestrale et arrogante idée de la supériorité humaine.

Nous pensons que le moment est bien choisi pour que, dans tous les milieux de la société, nous commencions à nous interroger sérieusement sur la légitimité morale des mauvais traitements que nous infligeons de façon générale aux animaux non humains, d'autant plus qu'ils se produisent presque sans exception dans des circonstances que nous pourrions facilement éviter si nous nous en préoccupions honnêtement, sans que nos intérêts vitaux en soient affectés, dans la mesure où la consommation des " produits " résultant de ce massacre (viande et lait) ne répond pas à des besoins nutritionnels, mais relève de facteurs purement culturels et de préférences gastronomiques.

Pour toutes ces raisons, ATEA souhaite que le présent Manifeste soit diffusé, débattu, soutenu ou critiqué. Notre objectif ultime est, en définitive, de susciter un débat social sérieux et objectif à propos de l'activité humaine qui engendre le plus de souffrance gratuite : l'exploitation des animaux.

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