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Cahiers antispécistes n°21 - février 2002

Antispécisme pratique : la vitamine B12 dans l’alimentation végétalienne

Vous pouvez joindre Marco Lorenzi par mél : Lormar@comm2000.it

La plupart des lecteurs des Cahiers sont sans doute conscients du fait que, du point de vue de l'éthique antispéciste, il n'y a pas d'alternatives vraiment acceptables et concrètement praticables à l'alimentation végétalienne. Il est connu que les laitages et les œufs, contrairement à ce qu'en pensent les spécistes et certains antispécistes, impliquent de fait eux aussi la mort, la souffrance et la réification des animaux nécessaires à leur production. Il s'ensuit que l'alimentation végétarienne, même si elle reste un pas en avant appréciable dans la direction d'un mode de vie cohérent avec l'antispécisme, n'est pas en mesure d'éviter l'exploitation des animaux non humains aux mains des animaux humains.

Dans leur ensemble, les recherches scientifiques dans le domaine de la nutrition confirment que l'alimentation végétalienne, si elle est correctement équilibrée, est parfaitement en mesure de satisfaire les besoins nutritionnels humains, apportant en outre des bienfaits non négligeables relativement à l'alimentation généralement suivie par les populations des pays industrialisés. Ceci ne signifie nullement qu'il suffise d'éliminer le lait et les œufs de sa table pour manger de façon équilibrée. Afin de se nourrir correctement, un végétalien doit posséder un minimum de notions de diététique, faute de quoi le risque de carences en certains micronutriments ne sera pas négligeable.

Le micronutriment le plus critique dans le domaine de l'alimentation végétalienne est la vitamine B12, car celle-ci est, de fait, absente dans les aliments végétaux. En effet, elle n'est aujourd'hui présente naturellement que dans les aliments d'origine animale (œufs et lait inclus) et est produite par certaines bactéries communément présentes dans la terre et dans l'intestin de tous les animaux. Toutefois, les hommes, à la différence des herbivores, ne sont pas capables d'assimiler la vitamine B12 produite par les bactéries dans leur intestin.

Beaucoup de végétaliens croient savoir que certains aliments comme la levure alimentaire, la levure de bière, les germes de blé, les graines germées, certains dérivés du soja comme le tempeh, les champignons ou certaines algues (comme la spiruline) garantissent un apport suffisant de cette vitamine. Malheureusement, il n'en est rien, et il s'agit souvent d'une conviction tirée de la lecture de documentations ou de livres de nutrition végétalienne déjà anciens, ou parfois récents mais qui, malgré cela, rapportent des informations scientifiques dépassées. De fait, à une époque, les méthodes d'analyse chimique n'étaient pas capables de faire la distinction entre la vitamine B12 et certaines substances analogues mais dépourvues d'activité dans l'organisme humain et présentes dans les aliments en question. De ce fait, il était impossible de distinguer les aliments qui contenaient réellement cette vitamine de ceux qui ne contenaient que ses analogues.

Théoriquement, la vitamine B12 pourrait être présente dans tous les aliments végétaux non lavés, par suite d'une contamination bactérienne, par exemple due à des résidus de terre ; autrefois, quand les conditions hygiéniques étaient réduites, il en allait certainement ainsi. Cependant, il est aujourd'hui pratiquement impossible de trouver dans un quelconque produit végétal une quantité de cette vitamine approchant un tant soit peu les apports requis, même dans les algues, celles-ci contenant presque exclusivement des analogues de cette vitamine.

Les conséquences de la carence prolongée de cette vitamine peuvent être très graves : les premiers symptômes sont la fatigue, la difficulté de concentration, les problèmes de mémoire, les tremblements, les fourmillements, les problèmes gastro-intestinaux, l'insomnie, la somnolence, la dépression, l'irritabilité, etc. Si ces symptômes d'origine neurologique sont négligés, le risque devient celui d'une grave dégénérescence de la gaine de myéline qui recouvre les nerfs, dégénérescence au moins dans certains cas irréversible, avec pour conséquence l'apparition d'une paralysie et de diverses formes de démence.

En outre, une carence prolongée provoque une augmentation de l'homocystéinémie et donc un risque de pathologie de l'appareil cardiovasculaire.

En l'absence d'apport alimentaire, les réserves de vitamine B12 présentes dans le foie sont suffisantes pour une durée très variable en fonction des habitudes alimentaires de la période qui a précédé le choix du végétalisme, mais généralement comprise entre une et cinq années, même si les symptômes décrits ci-dessus peuvent rester absents ou non relevés par le patient pendant un laps de temps encore bien supérieur, alors même que l'état de carence peut déjà être révélé par l'analyse sanguine (mesure de la vitamine B12 du sang, de l'acide méthylmalonique du sang et des urines, et de l'homocystéinémie).

Il est clair que les risques potentiels sont graves, mais, heureusement, il existe deux solutions qui concilient éthique et santé.

La première (qui est de loin la plus à conseiller) consiste à prendre des suppléments. Il y a des suppléments qui ne sont pas classés comme médicaments et ne sont donc pas testés sur les animaux, ne sont pas produits par des multinationales pharmaceutiques et ne contiennent pas de dérivés animaux (la vitamine B12 des suppléments est aujourd'hui presque toujours produite par des cultures spécifiques de bactéries). Ces produits peuvent être trouvés en herboristerie, en magasins d'alimentation naturelle et en pharmacie.

L'apport journalier conseillé est de 2 à 4 microgrammes, mais il est recommandé d'en prendre au moins 10 (on ne signale aucun effet secondaire de surdosage jusqu'à 3 000 µg et plus par jour). Il est possible de concentrer les prises en prenant une pastille d'au moins 1 000 µg deux fois par semaine, vu que l'assimilation de cette vitamine se réduit fortement quand les quantités sont élevées. À l'inverse, il est déconseillé de prendre ces suppléments moins d'une fois par semaine.

La seconde solution consiste à utiliser régulièrement et presque quotidiennement des aliments végétaux supplémentés avec cette vitamine (comme les hamburgers végétaux, les jus de fruit, les biscuits, les laits végétaux, etc.), en gardant à l'esprit les besoins en vitamine B12 tels qu'ils sont indiqués ci-dessus. Le problème avec cette seconde solution est que les produits végétaliens supplémentés disponibles sur le marché français ne sont pas légion et que leur teneur en B12 est souvent très faible, ce qui peut rendre difficile la tâche d'atteindre les AJR.

Il m'est souvent arrivé d'entendre des militants antispécistes affirmer qu'ils ne se soucient pas de leur santé puisqu'ils sont devenus végétaliens pour sauver les animaux de l'abattoir et qu'ils se fichent du problème de la vitamine B12 parce qu'ils ont des choses plus importantes à l'esprit. L'abnégation de ces personnes est vraiment admirable, mais leur myopie aussi est grande : est-il réaliste de vouloir convaincre d'autres personnes de suivre la voie d'une alimentation vraiment non-violente comme le végétalisme quand on ne constitue pas soi-même un exemple acceptable pour autrui ? En d'autres termes, ce n'est qu'en démontrant qu'il est possible d'être végétalien sans dommages pour sa propre santé que l'on peut persuader d'autres personnes. Or, toutes les données scientifiques disponibles à ce jour indiquent que, au moins sur une longue période, il n'est pas possible de se passer d'un apport de vitamine B12 sans porter gravement dommage à sa propre santé et, par conséquent, à la cause antispéciste.

En pratique pour la France

Il est possible de se procurer en pharmacie des suppléments de B12 (marque Vitarmonyl par exemple) mais ceux que l'on trouve en France, même lorsqu'ils portent la mention « convient aux régimes végétariens et végétaliens », contiennent des dérivés de corps d'animal, en particulier, comme beaucoup de médicaments, des stéarates (voir par exemple http://www.snip.fr/actualite/ESBpres.htm). La seule solution parfaitement végétalienne est de se fournir à l'étranger, en particulier en Grande Bretagne.

Citons comme exemple les suppléments de la marque Quest Vitamins ; le flacon de 60 comprimés de 500 µg coûte une dizaine d'euros et suffit théoriquement pour une personne pour dix ans ! On peut en commander par correspondance ou par le Web auprès de The Positive Health Shop (52 Tydeman Road, Portishead, Bristol, BS20 7LS Royaume Uni ; http://shop.positivehealthshop.co.uk) ; prix au 10/2001 : £4,85 + £3,50 de port.

Pour les personnes auxquelles il arrive de se rendre en Angleterre, la chaîne de magasins diététiques Holland & Barrett met en vente des flacons de B12 sous sa propre marque (dosages 50, 100, 250, 500, 1000 µg, bien sûr « suitable for vegetarians and vegans ») à des prix intéressants (si on omet de prendre en compte le prix du billet de train ou d'avion...).

Pour de tels comprimés à fort dosage (un comprimé 500 µg suffit largement pour une personne pour deux mois) une bonne méthode peut être de broyer le comprimé avec un marteau entre deux feuilles de papier alu, et de mélanger la poudre obtenue à un ou plusieurs produits de consommation quotidienne (sucre, sel, levure alimentaire...).

Aliments supplémentés

Les doses sont généralement plus faibles, mais souvent acceptables néanmoins. Dans les exemples suivants, nous indiquons entre parenthèses la quantité du produit nécessaire pour obtenir 1 µg de la vitamine, dose journalière que l'on peut considérer comme minimale.

Lait de soja Gerblé (1/2 litre) ; divers types de céréales de petit déjeuner ; jus multivitamines cocktail de 12 jus de fruits Solevita/LIDL (1/5 litre) ; jus de fruits Wesergold multivitamines (2/3 litre) ; Marmite (7 grammes).

La rédaction.

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